Légendes de l'Aède

Une légende Amérindienne

Il existe une infinité d’histoire transmise sous forme orale dans le territoire de l’Amérique du nord. La diversité de ces récits, cosmogonies et légendes est fantastique, à telle point que Stith Thompson a créé une classification différente de celle de Anti Aarne, la classification communément appelé AaTh, auquel il a d’ailleurs participé.
Cette classification nord-Américaine détaille un ensemble de motifs liés au folk-lore, que Stith Thompson regroupe en : mythes, balades, fables, etc,,,
Cette classification adaptée à la diversité des légendes Américaine, met ainsi l’accent sur un thème spécifique « dans l’histoire » plutôt que sur une trame ou un schéma évolutif comme dans les légendes d’Asie, d’Europe et d’Afrique.
C’est sans doute le fort brassage des peuples du « vieux continent », tout au long des millénaires qui a suscité des structures similaires pour nos mythes et légendes. L’isolement du « jeune continent » a favorisé cette diversité.
Pourtant, certaines légendes indiennes nous sont très proches,
soit par la portée universelle de ces légendes,
soit par les influences européenne diffusées au cours des derniers siècles. Ces influences agissent dans la même proportion dans la légende que nous allons étudier.


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Nous retrouvons dans la légende qui suit les thèmes liés à une structure initiatique commune et universelle, mais avec certains motifs et symboles purement Amérindiens. Le chemin menant à la connaissance de soi, à une spiritualisation, est planétaire puisque l’homme est semblablement poussé par les mêmes désirs intérieurs et les mêmes doutes.
Cette légende intitulée Le nain est tirée de l’ouvrage :
« Légendes indiennes, recueillies chez les peuplades sauvages de l'Amérique, par C. Mathews » Librairie Hachette 1861.
Ces légendes ont été recueillis vraisemblablement auprès des communautés des grands lacs, à l’est de l’Amérique du nord, probablement dans les nations de langue algonquienne.
Nous allons étudier cette légende et s’arrêter sur ces phases significatives pour suggérer certaines voies de compréhension.
Voici la légende...
-Un jeune garçon d'une petitesse extraordinaire habitait avec sa sœur une hutte, qui se trouvait située sur les bords d'un lac magnifique.
Ce jeune garçon avait beau prendre des années, il ne grandissait pas; seulement sa petite stature cachait une âme fort résolue. Un jour d'hiver, il pria sa sœur de lui faire une balle pour aller jouer sur la glace du lac. En lui donnant sa balle, sa sœur lui recommanda de prendre garde de s'aventurer trop loin. Mais le garçon ne fit que rire de cette recommandation et partit joyeux, en lançant sa balle devant lui et courant presque aussi vite qu'elle pour la rattraper. Enfin la balle roula fort loin sur le lac et il crut distinguer confusément quatre grands endroits noirs sur la glace.


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Nous trouvons ici le thème magique du garçon extraordinaire, reconnaissable dans d’autres légendes et épopées. Soit c’est un garçon à la naissance miraculeuse, soit il grandit à vu d’œil, et dans chaque cas il posséde des capacités hors du commun. L’étrangeté de ce minuscule garçon interpelle et doit déclencher la compréhension que cet être est d’un autre monde, ou que ce sujet : « le petit garçon » désigne un aspect de l’être enfoui en soi, qui ne demande qu’à s’épanouir, qu’à découvrir et comprendre l’univers. Cet être intérieur aux pouvoirs extraordinaires est issu d’un autre monde avec d’autres lois et désigne ainsi cette autre dimension en soi qui déclenche une quête de spiritualité.
En contraste, le thème de la grande sœur désigne la sagesse naturelle, liée aux processus de compréhension et d’éducation qui découlent de l’expérimentation de la vie et de la confrontation aux éléments matériels. C’est elle qui donne au garçon une balle : symbole déclencheur du mythe et de l’initiation… Ce symbole peut être relié à l’étincelle divine en l’homme, à la nature de bouddha exprimée par un lotus ou une rose en Occident. Cette balle symbolise la vie spirituelle latente en l’être, l’espace qui enclenche les idéaux décrits par Platon. Cette balle est synonyme de mouvement, ce qui désigne le plus sûrement la vie. Ce symbole amène l’aspect spirituel latent à « expérimenter le monde », et l’homme qui a soif de connaissance à parcourir ce monde naturel pour le comprendre et s’en rendre maître….



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- En avançant, il fut tout surpris de voir que ces points noirs étaient quatre pêcheurs qui étaient étendus tout de leur long sur la glace pour harponner du poisson. Ces pêcheurs étaient frères et se ressemblaient d'une manière extraordinaire.
Un d'entre eux, levant la tête par hasard, fut frappé de la petitesse du jeune garçon qui s'avançait vers eux, et il dit à ses frères :
« Tenez ! regardez donc ce petit nain ! »
Les trois frères levèrent la tète un instant, puis reprirent leur pêche.
L'enfant, apercevant ces quatre figures semblables, se prit à dire :
« Quatre corps pour la même tête ! Mais ces grands personnages s'imaginent, sans doute, qu'ils n'ont pas besoin de faire attention à moi, je suis si petit ! je leur ferai voir qu'il ne faut pas me traiter si légèrement ! »
Les quatre frères s'étaient recouvert la tête pour se remettre à pêcher dans le lac. Le garçon, jetant les yeux autour de lui, remarqua une belle truite qui était au milieu d'eux. Il se glissa près du poisson, le saisit doucement par les ouïes et, jetant sa balle devant lui, il partit de toute la vitesse de ses petites jambes.
Les pêcheurs, entendant un bruit de pas sur la glace, relevèrent la tête tous les quatre en même temps et virent leur belle truite qui semblait s'enfuir d'elle-même ; le jeune garçon était si petit qu'il disparaissait auprès du gros poisson.
« Voyez donc comme notre truite fuit de toute sa force vers la terre ferme ! » s'écrièrent-ils; et se mettant debout pour mieux contempler cet étrange spectacle, ils remarquèrent, par-dessus la tête de la truite, le petit garçon qui l'emportait avec lui. »


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L’histoire place le garçon devant quatre pécheurs, ou si l’on se place sur un plan intérieur, l’esprit latent en soi est confronté aux désirs naturels de cette terre communs à tous les hommes… un besoin de nourriture terrestre qui se transforme vite en désir de possession et d’orgueil. C’est l’image même de ces pêcheurs qui n’ont aucune bienveillance envers le jeune garçon.
Le chiffre quatre est très important pour les nations indiennes. Il représente comme pour les autres peuples, les quatre points cardinaux et désigne ainsi la terre. Mais pour les Amérindiens, le chiffre quatre « est » la terre, il désigne tous les règnes : minéral, végétal, animal, humain qui vivent sur cette planète. Nul rite ne peut commencer sans offrandes aux quatre directions, au zénith puis au nadir, et enfin septièmement au centre de toutes choses. Le quatre et le sept, chiffres clé des civilisations amérindiennes désignent ainsi le monde naturel, l’univers et l’homme au milieu de tout « cela ».

Le vol du poisson ressemble à un essai de communication : capter l’attention du monde (les quatre frères) pour orienter leur désirs vers Soi ( le petit garçon symbole de vie intérieure). Cela semble réussir avec la pause que font les pêcheurs, particulièrement étonnés de la fuite de leurs poisson.
- Quand ce dernier fut rentré dans sa hutte, il dit à sa sœur d'aller chercher le poisson qu'il avait rapporté et laissé dehors, près de la porte.
« J'espère que vous ne l'avez pas volé? demanda la jeune fille.
« Oh ! répondit le garçon, il sort de notre lac, et j'entends avoir le droit de réclamer tout le poisson péché dans notre lac.
La truite était si belle que la jeune fille avait sa charge de la porter ; quand elle fut cuite, la chair en était si délicieuse que la jeune sœur n'adressa plus de questions à son frère.
Le lendemain matin le petit garçon sortit comme la veille.
Il fit mille folies avec sa balle, qu'il lança en l'air en avant, en arrière, pour courir après. Et la balle sautait, bondissait et traversait l'espace, comme si elle se fût amusée pour son propre compte. Quand il ne fut plus qu'à quelque distance des quatre robustes frères, qui péchaient tous les jours à la même place, il lança sa balle avec force dans un trou que les pêcheurs avaient pratiqué dans la glace. Du bord du lac, où il était resté, le petit garçon leur cria :
« Renvoyez moi ma balle, je vous prie !
« Non, répondirent les pêcheurs, dont un sourire moqueur contracta les quatre figures en même temps, nous nous en garderions bien; et avec leurs instruments de pêche, ils enfoncèrent la balle de plus belle sous la glace.
« C'est bon, dit le garçon, nous verrons ! »
En disant ces mots, il se précipita sur les frères, et du même coup les jeta tous les quatre dans l'eau; sa balle revint alors à la surface, il s'empressa de la rattraper et reprit son jeu interrompu. Comme il allait aussi vite que sa balle, il fut bientôt de retour .
Les quatre frères sortirent du lac ruisselants d'eau, furieux et proférant d'une commune voix de terribles menaces de vengeance pour le lendemain, car ils connaissaient la légèreté du garçon, et savaient bien qu'ils ne pourraient jamais le rattraper. »


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Le second essai pour capter l’attention vers Soi ne fonctionne pas. Les quatre frères symbolisant le monde naturel, restent orientés sur leur propre personne. Leur égocentrisme se transforme en méchanceté face à la ressouvenance de cet élément divin : la balle. Cette balle ressemble beaucoup aux balles d’or des contes européens, pensons en particulier au conte du « Roi grenouille » dans lequel une jeune fille laisse tomber sa balle dans une mare.
L’aspect spirituel dans l’être doit se déployer, - c’est le vrai but de l’homme - et pour cela, il lui faut la place que prennent habituellement les désirs et l’égocentrisme qui accaparent la totalité de la conscience. C’est le message de toutes les quêtes et de toutes les spiritualités.
- Le lendemain donc de grand matin, les quatre frères s'apprêtaient à partir', quand leur vieille mère, qui vivait avec eux, les engagea à renoncer à leurs projets de vengeance.
« Ne feriez-vous pas mieux, leur disait-elle, maintenant que vos vêtements sont secs, d'oublier votre chute, que de risquer de vous faire casser la tête à tous les quatre, ce qui pourrait bien vous arriver, car cet enfant doit être un « esprit », car il ne pourrait pas faire ce qu'il a fait. »


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Cette mise en garde très sage provient d’une parcelle de conscience encore reliée au divin en soi. C’est la part d’intelligence de l’homme relié à l’instant présent, et prenant appui sur le regard attentif qu’apportent les expérience de la vie.
- Mais les pêcheurs ne voulurent pas se rendre aux sages avis de leur mère, et poussant leur cri de guerre qui fit dresser d'effroi les plumes des petits oiseaux, les quatre frères partirent pour la hutte du « nain ».
Celui-ci distingua de très-loin leurs voix menaçantes mais il ne s'en inquiéta pas. Sa sœur n'avait encore rien entendu, quand elle crut reconnaître le bruit de la neige craquant sous les pas de quelqu'un qui s'avancerait rapidement. Elle sortit pour regarder, et voyant quatre hommes robustes qui se dirigeaient en droite ligne sur leur cabane, elle eut grand' peur et s'écria en rentrant bien vite.
Le garçon lui dit : « Pourquoi vous effrayer ainsi ? Donnez-moi mon déjeuner. »
« Comment pouvez-vous songer à manger dans un pareil moment ? » répliqua la jeune fille. 
« Faites ce que je vous dis, et dépêchez-vous. »
Elle servit alors le déjeuner, et le petit garçon se mit à manger tranquillement.
Les quatre frères arrivaient alors à la porte de la hutte.
« Voyez, cria sa sœur, cet homme a quatre têtes !»
Les frères allaient lever le rideau qui fermait la cabane, quand le garçon tournant sens dessus dessous le plat dans lequel il mangeait, la porte se trouva fermée par une énorme pierre, sur laquelle les quatre frères se mirent à frapper avec fureur jusqu'à ce qu'ils eussent réussi à faire un petit trou. Un des frères appliqua son oeil à cette ouverture et regarda le garçon d'un air terrible. Ce dernier, une fois la porte fermée, s'était remis tranquillement à déjeuner ; il prit son arc et une flèche, et lâcha la corde. Le trait atteignit l'homme à la tète, il tomba mort. Le garçon dit seulement:
« Numéro un," et il continua son repas. L'instant d'après, un autre pêcheur se présenta devant l'ouverture de la porte comme avait déjà fait son frère; le garçon tendit son arc, mais sa sœur lui dit: « Que voulez-vous faire? vous avez déjà tué cet homme ! »
Le garçon tira sa flèche et dit en voyant tomber l'homme « Numéro deux !» et il poursuivit son déjeuner.
Le garçon dépêcha de la même manière les deux autres frères en disant
" Numéro trois et numéro quatre. » Puis il sortit et remit les quatre frères debout sur leurs pieds, le premier tourné vers l'est, le second vers l'ouest, le troisième vers le midi, et le, quatrième vers le nord ; puis, leur donnant à chacun une légère impulsion, il les envoya errer dans le monde entier; et partout où l'on voit quatre hommes se ressemblant exactement, on peut dire que ce sont nos quatre frères qui voyagent par ordre du garçon. »


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Les flèches du garçon portent toutes à la tête des pécheurs, désignant ainsi la cause première : le mental délirant de l’homme orienté uniquement sur ses désirs.
L’aspect spirituel reconquière dans l’homme, la maîtrise de ses sens et de ses désirs. C’est la conséquence d’une prise de conscience de soi et de la claire vision que cause l’attrait des choses naturelles pour des plaisirs toujours ardents et inassouvies.
Les quatre éléments de la conscience naturelle égocentrique selon la culture amérindienne doivent être parfaitement reconnus et c’est cette pérégrination que déclenche la quête spirituelle.
Mais ce ne devait pas être le seul exploit de notre petit héros.
- Quand le printemps fut revenu, et que les eaux du lac commencèrent à étinceler au soleil, le garçon dit à sa sœur :
" Faites-moi donc un arc et de nouvelles flèches. »
Quand la sœur eut fini l'arc et les flèches, qui étaient tout petits, mais supérieurement faits, elle lui recommanda de ne point tirer dans le lac.
" Elle s'imagine, se dit le garçon, que je ne vois pas dans l'eau plus loin qu'elle. Elle apprendra à me mieux connaître. »
Et, lançant un de ces traits dans le lac, il entra hardiment dans l'eau jusqu'à ce qu'il fût arrivé au fond. »


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Cette partie décrit la rencontre à un moment clé de deux formes de conscience dans l’être qui suit un chemin spirituel véritable. La conscience normale ou intelligence, commence à percevoir la conscience spirituelle, mais sans vraiment lui faire confiance. A présent, cette conscience spirituelle doit explorer l’inconscient ou le « sur-moi » selon C G Jung. Dans les contes européens, ce « sur-moi » est symbolisé par un ogre, un diable, ou tout autre personnage extraordinairement puissant. Ce conte nous présente un symbole purement indien image d’une culture proche de la nature. Jamais en Occident, un animal si fort soit-il, ne symbolise le « sur-moi ». Ce sont en général, les forces de l’ego ou du « Moi » que des animaux, même aussi puissants que le dragon, symbolisent. Le « sur-moi » est toujours un être humain ou sur-humain : Dieux, élémentaux, bref un esprit surpuissant et infernal. Dans ce conte, il s’agit d’un « gros poisson », capable d’avaler un homme sans difficultés, ce qui désigne quand même son caractère exceptionnelle.
Ici, la deuxième phase est symbolisée par le fond du lac, et l’action de « l’esprit en devenir divin » est figurée par la flèche lancée préventivement.
- La jeune fille courait le long de la rive en lui criant de revenir ; mais, au lieu de faire attention à elle, le garçon s'écria :
« Monstres aux grandes nageoires rouges, accourez tous pour me dévorer. »
Bien que sa sœur ne comprît pas à qui le garçon s'adressait, elle aussi s'écria :
« N'écoutez pas, je vous en prie, cet enfant désobéissant!»
Mais la voix de son frère était sans doute plus puissante que la sienne, car un poisson monstrueux s'approcha de lui soudain et l'engloutit dans sa gueule. Avant de disparaître, le garçon jeta un regard sur sa sœur qui se tordait les bras de désespoir, et lui cria de toute sa force : « Me-Zush-Ke-Zin-Ance. »
La jeune fille cherchait en vain ce que son frère avait voulu dire, quand l'idée lui vint qu'il demandait un vieux mocassin. Elle courut à la hutte en prendre un qu'elle attacha à une corde dont l'autre bout était noué autour d'un arbre, et elle lança le mocassin dans l'eau.
Le gros poisson dit au nain qui était dans ses entrailles :
« Qu'est-ce qui flotte là bas ?
« C'est quelque chose de délicieux, répondit l'enfant, dépêchez-vous de l'avaler. »
Le poisson se dirigea vers le vieux mocassin et n'en fit qu'une bouchée.
Le garçon, qui s'en réjouissait, ne dit mot jusqu'à ce que le poisson eût englouti la vieille chaussure ; alors, tirant peu à peu à lui la corde qui était attachée à l'arbre, il força le poisson à se diriger sur la côte.
La jeune fille qui regardait toujours sur le lac, ouvrait de grands yeux en apercevant ce poisson monstrueux qui semblait venir droit à elle ; sa surprise fut plus grande encore quand une voix, qui semblait être celle du poisson, dit fort distinctement :
« Hâtez vous de me délivrer de cette odieuse prison. »
Elle reconnut la voix de son frère, auquel elle s'empressa d'obéir en faisant au flanc du poisson une grande ouverture par laquelle son frère put sortir. Il lui ordonna aussitôt de couper et de faire sécher la chair de l'énorme poisson, qui leur servirait de provisions de bouche pour toute la saison. »


L’étincelle d’esprit divin en l’homme doit s’immerger dans l’inconscient pour le transformer entièrement. En fait, il doit le retourner, remettre la totalité des forces de l’inconscient au service du « Plan Divin » : but de la quête spirituelle. Le « sur-moi » : l’énorme poisson, peut croire l’avaler, le submerger de sa puissance, mais en fait sa propre essence vient du divin. Ce démiurge n’est pas de taille à lutter contre « l’Esprit » du Divin renouvelant l’être. L’aide de la sœur : l’intelligence attentive naturelle, même maladroite ou instinctive , nous montre également une approche propre aux nations amérindienne. Dans les contes européens, la jeune fille représente ce que l’on désigne par « l’âme », délivrée par le jeune garçon. Ensuite, toujours dans ces contes, c’est l’âme qui dirige les opérations, c’est la jeune fille qui prends les décisions et finalement réussit la quête. Ici, dans ce conte, c’est une coopération qui nous est suggérée, les deux consciences s’aidant mutuellement.
- La jeune fille commençait bien à trouver que son frère n'était pas un enfant ordinaire, mais elle ne connaissait pas encore toute la puissance du petit garçon .
Un soir ténébreux qu'ils étaient assis dans la hutte sans chandelle, la jeune fille dit :
« Mon frère, il me semble extraordinaire que vous, qui pouvez faire tant de choses, ne soyez pas plus avancé que le coucou qui ne connaît pas d'autre lumière que celle de la lune, qui brille ou qui se cache suivant sa fantaisie? »
« Mais cette lumière ne nous suffit-elle pas? » Repartit le garçon.
« Sans doute elle suffirait, reprit sa sœur, si elle voulait venir dans notre hutte et ne pas séjourner dans les nuages. »
« Hé bien ! ma sœur, nous aurons dorénavant notre lumière à nous ; » et se couchant sur une natte devant la porte, le garçon se mit à chanter :
«Ver luisant, ver luisant, petit ver si brillant, éclaire-moi jusqu'à ma couche, et je chanterai pour toi ma plus jolie chanson ; prête-moi ta lumière qui flotte au-dessus de ma tête pour que je puisse me coucher gaiement ! »
« Prête-moi ta lumière tandis que tu rampes sur le gazon, afin que je puisse gagner joyeusement ma couche ; viens à moi, ver luisant, viens gentille petite créature, et demain je préparerai un festin pour toi. »
«Viens, petite lumière qui erres tandis que je chante; viens, toi le flambeau des fées, le roi de la nuit ; viens, et je ferai d'heureux songes, et je chanterai pour toi ma plus jolie chanson. "
A mesure que le garçon chantait ainsi, les vers luisants arrivaient d'abord seuls, puis deux à deux, puis en quantité innombrable ; et ils envahirent la petite loge, qui se trouva bientôt illuminée d'autant de petites lumières brillantes qu'il y avait ce soir-là d'étoiles étincelantes à la voûte du ciel.
Pendant ce temps, le frère et la sœur, assis en face l'un de l'autre, se regardaient avec affection et confiance ; et, à partir de ce moment, le plus léger nuage ne vint jamais troubler leur bonheur intérieur. »


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L’intelligence de Soi ou l’âme selon nos critères : la jeune sœur, exprime l’appel, le désir profond éternel, à la lumière. L’esprit appelle donc l’élément le plus humble de la nature, le plus infime dans l’être humain pour illuminer la vie renouvelée.
La lumière de l’Esprit Divin emplit maintenant l’être entier. Cette plénitude triple, cette trinité est indiquée ici par :
- Le corps = la hutte ronde comme l’univers. - L’âme = la sœur. et - L’Esprit = le garçon.

Voila donc les trois phases essentielles de toute initiation spirituelle. Malgré de nombreuses péripéties dans toutes les épopées, contes ou légendes, ces phases sont souvent perceptibles, même dans des textes tronqués ou malmenés par les temps. Même les écrits personnels, S'ils sont orientés sur « la force intérieure », peuvent décrirent ces phases.
1/ la première consiste à découvrir ses capacités, ses défauts aussi bien que ces qualités. Le sujet explore ses émotions, son mental et arrive à une connaissance de soi. Il sait les attachements et désirs.
2/ la deuxième phase le place devant des situations qui le forcent à découvrir les forces de l'intuition et les possibilités du monde intérieur appelé communément « divin » . Il découvre aussi le pouvoir autoritaire de l'inconscient qui gère son mental et aussi ses émotions. Le candidat à la libération du Samsara, découvre que son mental a généré un ensemble d'habitudes qui l'enferme dans une vision dualiste du monde et ne lui permet pas l'ouverture à la Vie.
3/ la troisième phase n'est pas une victoire sur le Mal, c'est la connaissance complète et totale de l'illusion de ce monde dualiste, L’Éveil.....
Dans cette phase le garçon ne peut vaincre le diable, il sait simplement qu'il participe au Grand jeu et le disciple - la conscience à l'écoute dans le garçon - sait, vit un autre état...

L'Aède