Osiris et Seth
L’Ennéade ou le conflit de Seth et d’Osiris.
Prenez le texte romancé qui suit comme une histoire expérimentale, une fiction possible, qui apporte une autre approche de ce qui a fait l’Egypte… Une histoire probable si vous abandonnez l’idée que les sages d’il y a cinq mille ans, n’étaient que des êtres enfantins.
Approchons nous d’un petit groupe de personnes qui siégent dans une hutte près d’un petit village au bord du Nil. Ces personnes se retrouvent après quelques semaines de voyage tout au long du Nil. Cet épisode se déroule il y a très longtemps : plus de trois mille ans avant notre ère.
Bien, mes frères et sœurs, le membre de notre fraternité qui était venu dans cette contrée il y a quelques années ne s’était pas trompé, cette terre est vraiment admirable et le rayonnement du divin y est bien présent. Maintenant que nous sommes tous revenus de notre voyage d’exploration au bord de ce fleuve magnifique, nous allons faire le point et élaborer une stratégie pour éveiller ces habitants au divin qui sommeille au fond de l’être.
Nous avons appris que ce fleuve apporte chaque année une terre limoneuse avec sa crue, et que les habitants sont heureux quand cette crue est bonne et abondante, juste ce qu’il faut. Ils sont donc habitués à un certain équilibre avec la nature… voyons si nous pouvons les aider à comprendre cet équilibre nécessaire également à l’intérieur d’eux-mêmes…
Frère Ram, effectivement bien que ce pays ne dispose que d’un fleuve, au contraire des deux contrées que nos frères occupent, ce territoire est surprenant de possibilités conceptuelles, et notre spiritualité fondée sur le « Double » devrait pouvoir trouver ici une terre bénie. Ainsi ce fleuve est régulier dans sa crue, mais peut être dévastateur par ses inondations ou déclencher une famine par son faible étiage.
Oui frère Enki, la puissance du « Double » est très présente ici, car ce fleuve qui apporte la vie est entouré d’une savane désertique ; ainsi nous pouvons dire qu’il y a un territoire pour la vie et un territoire tout autour, dans lequel la mort est prédominante.
Il y a quand même des dangers sur ce fleuve, frère !
Oui sœur Inna, tu pense aux crocodiles et dans la partie sud aux hippopotames, mais les habitants sont habitués aux crocodiles et manifestement s’en accommodent. Ils ont même dans une contrée que j’ai traversé voués un culte à ces animaux.
Parlons donc de ses cultes… Est-ce que certaines de ces conceptions mythiques peuvent nous aider dans notre propre démarche, dans notre élaboration d’un mythe spirituel et initiatique…
Frère Ram, le culte le plus représentatif est celui de Hor et celui de Râ dans une autre partie du fleuve. Celui de Râ est semblable ou assimilé au soleil. Mais effectivement le mythe le plus important est celui de Hor et de son frère Seth et de leurs combats, plutôt violents d’ailleurs. Hor aurait l’aspect d’un rapace immobile dans le soleil ou le ciel. Mais bien sûr, c’est cet antagonisme qui est intéressant.
Oui ce combat entre deux entités divine aux pouvoirs extraordinaires est un symbole puissant que nous allons devoir emprunter et transformer, pour que ce merveilleux pays puisse reconnaître en chacun l’empreinte du divin.
Mes frères, c’est vrai que ce pays regorge de symbolisme. Ainsi, il est aussi extraordinaire que la course du soleil dans le ciel et l’orientation de ce fleuve dessinent comme une croix. Ce fleuve qui descend vers le nord est presque diamétralement situé sous le croisement du soleil et de la terre, ainsi nous obtenons une autre forme du « Double », géophysique celle-là.
Merci frère Vayu, c’est une particularité que nous avons tous noté et qui effectivement nous apporte un appui important pour organiser un culte au « Double ». Et toi sœur Aditi que penses tu de ces différents cultes ?
Eh bien frère Ram, je pense que nous pouvons élaborer une cosmogonie en puisant dans les histoires de certaines de ces divinités, comme cet antagonisme entre Seth et Hor, mais en en faisant un mythe plus complet, et surtout que ce combat ne puisse pas se transformer dans l’esprit des égyptiens en simple dualité.
Nous sommes tous d’accord la-dessus, Aditi, et c’est pour cela que la doctrine du « double » doit remplacer celle d’une simple confrontation qui ne peut amener qu’à une vision fausse de l’homme. Y a t-il d’autres divinités dont la représentation est intéressantes ?
Oui frère Ram, ainsi avec Inna, nous nous sommes intéressées au dieu Ptah qui est assez étrange. C’est une divinité anthropomorphe ayant un aspect symbolique d’artisan, de créateur ou d’organisateur des forces de la nature avec un aspect légèrement chtonien. Nous avons pensé toutes les deux à reprendre cette forme d’entité, pour signifier l’homme porteur du divin, ancré dans la nature.
Ainsi, il nous resterait à inventer sa forme divine.
Oui frère Enki, peut-être une forme semblable au soleil, puisqu’il ont déjà un culte avec un dieu éminent.
Sœur Aditi, une forme par trop humaine ne serait pas un concept symbolique utilisable, mais une forme abstraite identifiée au soleil ne serait pas idéale…non plus.
Je pense effectivement qu’il nous faut une forme plus abstraite qu’un homme, mais une forme qui s’est transformée par un processus et qui s’identifie à la présence divine.
Oui sœur Inna, mais laquelle ?
Et la forme de Hor le vieux dieu parfois représenté en rapace ???
Ce serait une image terrible dit Ram.
La rencontre avec sa vraie réalité est aussi terrible.
C’est exact, dans un sens, frère Vayu, mais nous avons peut-être un autre choix…
Frère Ram, il existe également une déesse qui représente la paix et l’équilibre… Elle s’appelle Maat et possède une plume dressée pour emblème, droite comme la rigueur. C’est vraiment un concept fascinant et qui dénote un sens aigu de la justice chez ce peuple.
Oui, cela apporte l’idée de l’équilibre parfait et c’est une très bonne chose pour notre projet. Ainsi, les différentes parties de ce fleuve regorgent de divinités, et chaque région accepte les autres cultes sans problème. C’est vraiment une terre paisible, propice pour créer une autre cosmogonie et initier une forte et juste spiritualité. Mais reprenons…
Il existe un système à plusieurs dieux, non loin d’ici, une ogdoade sortie d’une mer appelée « Noun ». C’est une idée intéressante, les dieux émergent d’une butte primordiale et participent sous forme dualiste à l’équilibre du monde.
Bien frère Enki, nous pouvons je pense nous aider de cette structure en appuyant surtout sur la double nature, plutôt que sur le dualisme.
D’autant plus, frère Ram, que le « Noun » est singulièrement dans la pensée des Egyptiens, le même concept que l’univers indifférencié avant la manifestation du Divin.
Donc frère Vayu, nous pourrions partir du « Noun », d’où émergerait le divin en tant qu’abstraction, pensée non manifestée, énergie cosmique potentielle et immanente. Quel nom pouvons nous donner au divin émergeant en fonction du pouvoir du son et des langages autochtones ? Inna c’est toi la spécialiste…
J’y ai déjà pensé et je propose Toum ou Tem, le T signifiant un acte posé définitif et Le M apporte la douceur qui se déploie et adoucit cet acte puissant et fondateur, avec peut-être avec un A devant, signifiant grand, vaste.
Bien, Atem ou Atoum donc. A l’apparition d’Atoum, a l’instant ou il se forme, existe aussitôt l’espace et le temps. Ensuite, l’action Atoum dans cet espace et par son essence, déclenche tout ce qui est double…
D’ailleurs pour revenir à l’indifférencié, d’avant Atoum, le nom : « Noun » est très symbolique, il fait référence à un vacuum, une forme dans laquelle l’expansion de l’acte divin peut se manifester, puisque le N, double en plus, signifie l’intérieur. Le son OU est une vibration douce et forte qui signifie une expérimentation intérieure, une puissance contenue. C’est donc un espace ou l’expérience de l’humain peut se parfaire jusqu'à reconnaître son origine divine.
Oui Inna, je pense que la terre de Kemet est fortement imprégnée du divin. C’est un territoire symbolique au plus haut point. Et pour en revenir à ce « Noun », notre frère aîné, qui a passé plusieurs années ici, a peut-être laissé quelques enseignements. Mais continuons…
Il nous faut mettre en place d’autres références après Atoum, que celle de l’espace et du temps qui sont des concepts trop abstraits. Ces divinités doivent s’associer à l’espace céleste et à la terre par exemple.
Tu as raison Enki, mais l’espace céleste est peut-être trop abstrait également.
Alors le ciel et la terre, et ces notions abstraites seront explicité lors des initiations.
Bien, donc Inna, as tu des noms pour ces divinités, demande Aditi ?
Le G serait approprié pour la terre car ce son colle, adhère au palais et suggère une chose pesante. Je propose Geb pour ce cas, et Nout pour le ciel, car le ciel nous entoure et nous garde en sûreté. Cela pour le N et le T marque l’arrêt du ciel, après c’est l’espace insondable.
Cela peut suggérer également un certain enfermement à l’intérieur d’une petite boule de terre.
Oui frère Vayu, mais c’est justement la place de l’enseignement de l’homme matériel.
Bon, mes frères, notre action est bien engagée, mais la façon d’esquiver les notions d’espace et de temps ne me convient pas. La terre et le ciel sont trop … euh… « matériels ». Il nous faut vraiment expliquer ces notions abstraites et les symboliser pour guider petit à petit la conscience des futurs mystes.
Alors l’espace pourrait être le vent, le vent immatériel mais perceptible et le temps… ??? Qu’en penses tu, Ram ?
L’espace et le temps vont ensemble, il ne sont pas dissociables, alors si le vent symbolise l’espace, quel est l’élément semblable ou opposé au vent ?
La pluie, le vent et la pluie vont souvent de pair.
La pluie, je te l’accorde Vayu, mais tu sais, dans la terre de Kemet, surtout dans la région ou nous sommes, la pluie est assez rare, beaucoup plus rare que sur les deux fleuves avec cette mousson que tu connais bien.
Ici, c’est une légère rosée du matin apportés par le fleuve que les gens connaissent. Et d’ailleurs je trouve que cette humidité matinale correspond bien au souffle vital… qu’en pensez vous ?
C’est une bonne idée, Aditi, mais dans ce cas, ce souffle vient avant le vent, dit Ram.
Ainsi, intervient Enki, l’espace serait symbolisé par le souffle divin et son parèdre la puissance du divin, d’Atoum donc, serait symbolisé par le vent. Le temps, cette dimension serait absente ?
Je pense dit Aditi, que le pays de Kemet est vraiment lié à l’éternité, la notion de temps n’est pas vraiment prépondérante ici. Les habitants sont liés au fleuve et ce fleuve coule régulièrement comme éternellement avec un cycle annuel. En fait, les gens de ce fleuve sont habitués au cycle journalier du soleil et au cycle annuel avec la crue et les semailles. Ainsi le maintien de leur existence est plutôt lié au présent.
Oui répond Vayu, et le concept du temps pose toujours des problèmes sur la voie spirituelle.
En effet, la notion du temps amène toujours une cristallisation de la conscience.
Oui Aditi, ainsi les peuples nomades qui habitent et traversent de vastes territoires ont une conception du temps très ancrée du fait de leur itinérances, et de fait, ce n’est pas facile de placer l’instant présent comme seule réalité. Si les habitants de ce pays sont plutôt axés sur la paix de l’instant, il ne serait pas utile de faire référence à ce concept.
C’est une bonne réflexion, et il est vrai que nous passons trop de temps sur nos territoires à expliquer le concept de l’instant vivant. Dans ce cas, restons avec ces deux aspects issus d’Atoum : le souffle vital humide et le vent chaud comme il souffle ici. Inna, que nous proposes tu comme noms ?
Eh bien Ram, je pense que le son du vent est OU, c’est souvent ce que l’on entend, mais il lui faut un déterminatif indiquant sa propriété et je pense au S qui signifie l’agitation brusque.
Le vent peux être doux, Inna.
Oui, tu as raison Enki, le son OU est déjà doux, mais j’ajouterai aussi un son H qui produirait un son plus suave. Cela donnerait SHOU…
Bien et pour le souffle vital ?
Alors Ram, c’est plus délicat, si Nout n’était déjà prise, c’est vers cette syllabe que je me serait orienté. Car le souffle divin est un souffle intérieur et extérieur et il nous entoure de la même manière que l’air ou sa forme visible ; le ciel.
Alors construisons un mot à deux syllabes…
Bien Aditi, nous gardons Nout et rajoutons un déterminatif comme le T, qui reprend l’acte d’Atoum en le concrétisant et en fixant cet acte.
Cela nous donne TNOUT, c’est un peu brutal.
Eh bien Inna, fais comme pour SHOU, donne lui un peu de douceur.
D’accord Vayu, et pour cela quoi de mieux que le son F qui exprime justement le souffle.
Donc, dit Ram, cela nous donne TEFNOUT. C’est parfait ce mot est fort et correspond bien au souffle vital.
Alors reprenons notre création :
Du Noun est sorti Atoum, qui crée aussitôt Tefnout et Shou. Ces deux forces créent Geb et Nout, et ainsi nous avons les quatre éléments de la création. Portée par le mouvement puissant et éternel d’Atoum, l’action conjuguées de ces éléments fera naître par conséquent toutes les choses de la nature. Il reste donc à décrire l’homme semblable au Divin avec sa part naturelle.
Donc, nous pouvons reprendre le vieux conflit de Hor et de Seth, mais de manière différente, sans insister sur l’antagonisme des deux natures en l’homme.
Oui Vayu, il vaut mieux que l’idée d’équilibre supplante celle de dualité, même si, de toute manière, le conflit dans l’homme est inhérent à cette vie.
Je pense effectivement qu’il faut élargir ce débat et reprendre les quatre éléments précédents en les dupliquant, car l’homme est aussi fait de ces éléments. Bref, il faut faire un scénario plus complexe.
Oui Enki, c’est la bonne idée. Ainsi il faut un principe pour le souffle divin et un principe pour sa contrepartie : la force naturelle. Ces deux éléments doivent êtres doublé selon la dualité de ce monde, avec deux forces plus subtiles.
Ce schéma reprendrait le thème de l’opposition, mais il lui faut plus de légèreté et j’ajouterai un dernier dieu qui serait l’exact représentation du divin régénéré, pleinement maître de la nature.
Totalement, Enki, donc il faut partir du renouvellement des quatre éléments précédents. Former un autre carré de divinités, certains avec un aspect divin et les autres avec un aspect plus naturel et totalement humain, et il nous faut pouvoir les distinguer par des particularités.
Comme des sentiments, des aspects comportementaux ou des pulsions…. Et en cela ne faudrait-il pas en faire des compléments naturels du féminin et du masculin ?
C’est cela Aditi. Il nous faut donc structurer une essence et une personnalité pour chaque élément et un nom qui signifie son principe. Commençons par le souffle vital divin en l’homme naturel. Qu’en pensez vous ?
Nous pourrions reprendre l’image de ce dieu dont nous avons déjà parlé : le dieu Ptah. C’est une figure ambiguë, mais justement le principe vital divin est complexe.
C’est fort juste Inna, d’autant plus que ce principe est très semblable au souffle naturel créant la nature, puisque sans le souffle d’Atoum, il n’y aurait pas de nature.
De plus, le dieu Ptah est représenté parfois dans une sorte de suaire, un peu comme un cocon. Ce qui ressemble fort au principe vital divin qui est comme enfermé dans sa coque naturelle, le corps humain.
L’image est plaisante Aditi…
Merci Enki
Donc, ce principe est à l’image d’un homme plein de vigueur, mais comme entravé par sa forme humaine. Bien, mais alors quelle serait l’effigie de sa contrepartie naturelle ?
Son parèdre, l'entité double naturelle, serait forcement une autre figure humaine, mais liée à une forme issue de la nature. Cela pourrait être un être mi-homme / mi-animal ? Qu’en penses tu, Ram ?
Non Aditi, sa forme doit être humaine…
Et pourquoi pas avec une tête d’animal ?
Je ne sait pas si c’est judicieux….
Mais justement c’est la pensée de l’homme qui est limitée par rapport à l’être issu du divin en lui. Une tête d’animal serait ainsi justifiée. Un animal têtu en plus, volontaire, sujet à des assauts violents dans son comportement, mais intelligent, rusé même.
L’animal qui répond le plus à ta description Aditi, c’est celui que l’on voit quotidiennement ici, dit Vayu, et qui est très utile à la population : l’âne.
C’est trop simple et par la suite cela deviendra trop équivoque pour expliquer la nature humaine aux mystes. C’est vrai, cette image est très représentative de l’être humain frustre et sans réelle conscience, mais c’est trop évident.
Adaptons alors cette tête, Ram. Je suis d’accord avec Aditi sur cette représentation, mais dans ce cas, gardons simplement les oreilles pour que ce parèdre écoute, et faisons un mixte avec une tête de chacal, par exemple.
Bien, d’accord Enki, mais recoupons les oreilles d’ânes, car elles sont trop reconnaissables.
Récapitulons : nous avons un être humain juste, loyal, plein de vigueur, un roi potentiel dans toute sa majesté, mais sujet à un frein intérieur lié à cette descente du principe vital divin dans la matière. Ensuite, nous avons son double, un être rusé, puissant, issu des forces brutes de la nature, violent et s’il est doté d’un corps humain, sa tête est elle à l’image indéterminé d’un animal et sans conscience.
Cet aspect du double va impliquer un scénario de conflit, permettant le développement de l’initiation, c’est à dire du processus de la compréhension de sa double nature et de la révélation finale, celle de l’éveil à soi.
Totalement Enki, ainsi il nous faut traduire nécessairement ce conflit, car c’est dans ce conflit que reposera tout l’intérêt des hommes et l’attente de la nécessaire réponse qui leur apportera la paix.
Alors Ram, construisons les noms de ces deux principes !
Continuons plutôt, Inna, à élaborer les deux compléments en miroir à ces deux principes.
Si les deux premiers sont des hommes, alors les deux suivants qui reprennent les essences du ciel et de la terre doivent être des femmes.
Oui c’est mieux Aditi. Il nous faut donc un principe céleste exprimant la force, la justice et la détermination conjointes à la douceur féminine, et un principe exprimant la notion de vie terrestre accompagnant l’évolution humaine en équilibre avec la force du divin.
Tu ne pense pas faire de la parèdre du principe naturel, une force brute plus à l’image de cette part inconsciente ?
Non Enki, il vaut mieux en faire l’image d’une nature apaisée accompagnant la compréhension du but de la vie sur terre, et en opposé au principe brut sans conscience. Disons l’aspect intelligent de la personnalité.
Le principe céleste, lui, serait axé uniquement sur la puissance divine, une conscience au service du principe divin.
Ces quatre principes sont très liés, nous pourrions en faire des frères et sœurs dans ce récit : une fratrie divine et royale en quelque sorte !
Oui Vayu, ce serait une bonne idée. Ainsi ces quatre éléments formeraient un tout en l’homme : l’essence du divin et la puissance de la nature avec les forces accompagnant ses principes.
Et ce conflit entre les deux natures, entre le divin et la matière, Ram, de quelle façon nous pouvons mettre cela en action ?
Et bien, Enki, le conflit est de toute façon très installé entre ces deux forces en l’homme. C’est déjà un aspect très reconnaissable dans toutes ces sociétés naissantes ou les hommes apprennent à vivre ensemble. Aussi, une simple histoire peut au fil du temps et des veillées se développer tout naturellement. Nous devons simplement transmettre une trame.
Est-il nécessaire que ce conflit soit brutal ?
Oui Inna, car pour que l’homme se réveille et se dégage de l’étreinte de la matière, il lui faut faire un effort total de l’être. D’ailleurs le principe divin enfoui en l’être est endormi, enserré par la matière et il faut qu’il transmute cette matière.
Il faudrait donc que notre histoire mette en concurrence les deux principes, comme deux frères combattant pour le trône royal !!!
Oui, très bien Aditi. Les deux frères sont en opposition, opposition qui se transforme en bataille féroce et dont l’issue est le principe divin exilé. Qu’en pensez vous, dit Inna ?
C’est parlant dit Enki.
C’est peu en accord avec les croyances de ce pays qui ne pratique pas l’exil. Par contre il existe une croyance à un monde parallèle.
De quelle nature Vayu ?
Et bien, ce peuple possède déjà une croyance en un cycle physique ; le soleil passerait le jour dans le ciel, et la nuit ferait un voyage en un monde souterrain pour réapparaître au matin. Ainsi ce monde est semblable à un monde en stase, une sorte de monde des morts ou plutôt un monde où l’être peut revenir après un séjour, comme le soleil réapparaît à l’aube.
Et ?
Et bien Inna, c’est plutôt dans ce monde principe divin peut transmuter pour parvenir à la puissance révélée du divin.
C’est une belle idée Vayu, ainsi le principe naturel bat le principe divin et l’exile dans ce monde souterrain. Ensuite après une phase de développement « particulière », il ressort transformé et transfigure le principe naturel. Ainsi, le principe divin acquière la puissance et le trône royal.
C’est un peu simpliste Enki, et dans ce cas que font les parèdres féminines ?
Oui je suis d’accord avec Aditi, il faut une histoire plausible dans laquelle tous peuvent se reconnaître.
Il est vrai que personne ne peut vraiment croire à quelqu’un se relevant du monde des morts… Sauf si c’est un conte dans lequel tout le monde comprend l’allégorie de l’initiation et de la transfiguration dit Aditi.
Si les deux principes sont deux frères qui veulent le pouvoir et se combattent, il faut quand même une histoire violente, dit Vayu.
Je pense que nous avons tous les éléments et que l’histoire s’est faite d’elle-même avec les idées émises. « Soyez à l’écoute » est toujours le mot d’ordre, frères et sœurs.
Tu développes, frère Ram ?
Volontiers, car le divin a éclairé mon esprit… Les deux principes : divin et nature se combattent, mais il faut que l’aspect divin transmute, qu’il surpasse la puissance de la nature et qu’il renaisse et se révèle dans toute sa puissance. L’histoire se fera ainsi : les deux frères vont donc se confronter, le conflit deviendra nécessairement plus violent, au point que le principe naturel, plus brutal, tue le principe qui porte le divin et le découpe en autant de morceaux qu’il y a de cités naissantes sur les rives de ce fleuve. L’aspect féminin relié au principe divin fera naître un enfant pleinement divin qui par la suite combattra son oncle, le principe naturel, et régnera sur le trône d’Egypte.
Mais pourquoi Ram, découper le corps du principe divin ?
Parce que, Aditi, c’est la parfaite image « double » du divin s’incarnant dans ce monde. Le symbole du principe divin en l’homme et en la matière est incarné dans le microcosme, et par cette forme de sacrifice du dépeçage, ce symbole s’incarne dans le macrocosme. De ce fait, le triomphe est total, car chaque région de ce pays est ainsi symboliquement reliée au divin.
Le principe céleste s’est uni au principe divin, et fait naître le divin parfaitement incarné dans la matière, et régnant sur celle-ci !
Parfaitement Aditi.
Il reste à peaufiner cette histoire…
Oui Enki, donnons un peu plus d’action aux parèdres féminines et une forme au divin incarné.
Et il faut nommer ces entités.
Oui Inna, à toi de joueur donc….
Bien… pour le principe divin il faut un R qui signifie le mouvement continu et le S pour l’action dans le temps et la nature. Et je rajouterai le son OU pour la puissance contenue.
Cela nous donne Rous… ou Ouris !!!
Plutôt Ousir si tu permet, Ram, ainsi chaque syllabe est prononcée. Et pour le principe naturel, nous pouvons reprendre le nom de Seth déjà connu pour être un personnage violent et en opposition… cela donne le S et le T qui souligne une action forte et définie.
Bien, nous les nommerons donc Ousir et Seth, que nous reprenons et qui sera opposer à son frère, mais également par la suite au divin régénéré. Il nous reste donc à nommer les parèdres à l’aspect féminin, et il faut que ce principe miroir au divin dispose d’une grande force capable d’aider Ousir, et de donner à celui-ci un enfant pouvant porter le divin transfiguré, et maître de ce plan naturel. Cette cinquième force sera donc confrontée à Seth…
Pour cela, Ram, nous allons donner à cet important principe féminin, le son A en premier pour ce vaste dessein, avec l’énergie du S et un T dans toute sa puissance : Aset par exemple. Et pour sa sœur, il faut un N, car elle est toute intérieure en force, et toute en retenue. Que dites vous de Neket ?
Le son K est puissant, peut-être trop puissant pour la parèdre à Seth ; et par ce son, ce personnage pourrait se révéler par la suite comme une force dominante naturelle. De plus les habitants ici, ont un nom très juste, pour la puissance du divin latent en l’homme : le Ka. Laissons donc ce son aux énergies qui peuvent le contenir.
C’est juste, Enki, alors le son B sera idéal, cela donne Nebet. Ce nom fera le lien entre la conscience intérieure et une action déterminée, sans donner plus de force à cette entité. Et le B est le nom du cœur : « IB »…
Bien, il nous reste à nommer le fruit de l’union du principe divin et du principe céleste, Ousir et Aset.
Si nous reprenions le dieu Hor avec ce décalage dans notre mythe, cela sonnerait bien, car le son principal R, incarne le mouvement continu, ce qui coule sans cesse et sans fin, comme ce magnifique fleuve.
Hor serait donc un bon choix ?
Plutôt Ram, car ce nom englobe toute la création et exprime bien ce qui est divin et royal.
Nous choisissons d’intégrer ainsi le mythe existant de Seth et de Hor, pour mieux le faire comprendre lors de l’initiation.
Oui Enki, le rejeton d’Ousir et d’Aset sera l’image sur terre du divin, comme Râ sous forme du soleil, sera l’image manifestée d’Atoum.
Le soleil dans une cité au nord, comme je l’ai déjà évoqué, est déjà adoré sous le vocable Râ, ne peut-il y avoir confusion ?
Mais c’est très bien au contraire, Vayu, car le soleil est la manifestation visible du créateur, d’Atoum. Autant Atoum est l’énergie cosmique, autant sa manifestation est l’énergie apportée à la terre. Atoum-Rè est l’énergie double, complète et agissante sur tous les plans.
Bien Aditi, récapitulons maintenant : Ousir est celui qui règne sur le trône de Kemet, et son frère Seth lui conteste ce pouvoir. La force d’Ousir est affaiblie par la force d’attraction de la nature ; par ruse, Seth arrive à détrôner son frère, à le tuer ; pour faire disparaître le corps et effacer les preuves de son meurtre ; il découpe Ousir en morceaux, qu’il enterre aux approches de chaque cité de ce fleuve.
Ou alors, Seth lance les morceaux d’Ousir dans le fleuve qui les dépose au gré du courant, sur les rives…
C’est possible, il y a de nombreux scénarii éventuels, et le peuple finira par en forger plus d’un au fil du temps, Enki. Mais reprenons, Aset est la seule à avoir la puissance de s’opposée à Seth, mais son frère et époux est mort. Nebet l’aidera, dans son rôle d’auxiliaire. Aset donnera la vie à un fils, Hor qui combattra son oncle et le renversera. Ainsi le principe divin transfiguré régnera sans partage sur la terre de Kemet.
Bien Ram, cette histoire est simple et vraisemblable. Les Egyptiens dotés d’un esprit fantasque auront vite fait de se l’approprier et de l’étoffer.
Oui Vayu, d’ailleurs notre tâche maintenant est d’en faire un culte dans lequel le divin à l’intérieur de chacun soit un but, afin que cette aspiration rayonne sur cette terre. Que cette histoire apporte l’interrogation et amène les hommes à l’initiation et à la reconnaissance de sa vraie réalité !
C’est pour cela que je vous ai demandé de nous réunir ici, car nous sommes sur la terre d’une divinité à l’image d’un chien ou d’un chacal, le dieu kenty, qui pourrait représenté le gardien du lieu de l’initiation.
Plus exactement, Aditi ?
Ce lieu est déjà tenu sacré par les habitants, car comme l’évoquait déjà Vayu, il serait le lieu de l’émergence, une butte primordiale de laquelle est née toute la création.
Ainsi ce lieu représente exactement ce que nous cherchons : le lieu du commencement et du mystère de l’initiation.
Ram, est-ce judicieux de reprendre ici l’image de ce dieu ?
Nous pouvons, je pense, reprendre cette image et renommer un dieu-gardien en accord avec notre mythe. Quel nom lui donnerais-tu, Inna ?
Eh bien, le N serait premier et j’y joindrai peut-être un OU pour adoucir le passage des mystères.
NOU, cela fait court….
Alors Ram, rajoutons un lien qui conforte sa tache de relié les deux mondes, et le son P est parfait pour cet exemple. Cela donnerait NPOU ou Inpou.
Très bien, faisons cela, et je suis d’accord avec Aditi, ce lieu de la terre de Kemet me paraît idéal pour fonder notre confrérie, avec ce récit très ancien de l’émergence, et ce précieux gardien du monde du mystère.
Il est vrai que l’image d’une butte refermant le dieu créateur près à émerger est magnifique. Cette image correspond parfaitement au concept du « Double », car pour l’aspect macrocosmique, c’est l’image de la création et pour celui du microcosme, c’est l’image du divin prêt à s’incarner complètement dans l’être humain.
C’est aussi, Aditi, une formidable interrogation pouvant susciter le désir de suivre la voie de l’initiation et je suis sûr que l’image de cette butte, de ce monticule prendra bien des formes dans les années à venir.
Il n’y a plus alors, qu’à tracer ici, un espace sacré pour les siècles à venir, Ram…
Et à structurer notre futur mouvement pour la paix, et la voie du divin en l’homme…
Mes frères et sœurs, il nous faut deux endroits pour établir notre concept spirituel. Si cet endroit est le lieu de l’initiation et de l’émergence, alors il est particulièrement sacré et doit être entouré de silence et de mystère. Aussi il nous faut un autre lieu pour diffuser auprès du peuple du Nil cette révélation.
Effectivement tout est « Double » Ram, il nous faut donc un lieu dans lequel cette philosophie devient éclatante sous le soleil.
Ram, Enki, eh bien justement au nord, dans la région du delta, là où le soleil est particulièrement honoré. C’est la verte terre de Kemet présidée par le dieu Râ.
Bien Vayu, alors nous allons nous séparer pour mener notre tâche, fidèles à notre confrérie, nous savons ce que nous avons à faire. Les nombreuses années qui viennent vont nous demander de gros efforts, mais petit à petit, notre mythe surgira un jour dans toute sa puissance et guidera les hommes.
Ainsi, c’est peut-être comme cela que s’est ordonné par des « éveillés », et de façon très élaborée, en parfaite conscience, ce mythe particulièrement puissant sur la terre de Kemet. Cela expliquerait l’Harmonie : Mâat, implacable principe existant sur cette terre d’Egypte qui favorisa cette civilisation.
Alors que notre "principe" à nous est plutôt le conflit.
Méditez à ce que peut donner cette différence dans une société….
L'Aède