Légendes de l'Aède

le héros civilisateur


Le mythe du "Héros-civilisateur" ou mythe de "L’envoyé"


Nous trouvons dans les légendes de nombreux peuples, ce mythe du héros-civilisateur, mythe cultuel s’il en est.
Car ce mythe a la première place dans les systèmes spirituels et sacrés. Comment peut-il y avoir autant de contes, de mythes, de légendes et de textes sacrés qui font référence à un dieu, un demi-dieu, un héros ou un homme dirigé par Dieu, envoyé pour aider un groupe humain à s’élever au dessus d’une vie trop « animale » ?
D’où vient cet homme, prêt à aider une tribu à acquérir une plus haute qualité de vie ? Cet homme-dieu qui aide les humains, soit avec un code moral, soit avec l’enseignement des connaissances des lois de la Nature, leur permettant ainsi une vie meilleure, et amène toujours ce groupe à une forme de civilisation et à la culture du sacré.


Stèle mésopotamienne du dieu Adad

Si ce héros-civilisateur se transforme en animal chez nombre de tribus plus en lien avec la nature, cela ne change rien quant à sa fonction.
Les noms de ces envoyés sont innombrables et se retrouvent dans toutes les cultures, qu’ils apportent le feu, la manière de pécher, de chasser, de construire dans les groupes plus primitifs, ou une nouvelle spiritualité, un nouvel enseignement dans les groupes plus civilisés, le schéma est toujours le même !


sceau d'argile representatant les dieux Our et Nammou

Quelle est la différence entre Moise et Hiawata que nous avons étudié dans les pages de ce site ? Aucune, Hiawata comme Moise, est mandaté par le créateur pour sauver ses enfants en difficulté. L’un et l’autre sont des envoyés du dieu créateur des hommes et de la terre : une idée que l’on retrouve dans la majeure partie de ces contes.
Les groupes spirituels, religieux ou ésotériques ont souvent au même titre un fondateur venu d’un monde divin ou qui a perçu un enseignement issu de ce monde divin ou spirituel. Alors…….. 
Quel est ce monde spirituel ?
De quelles énergies ce monde divin est-il fait ?
Pour quelles raisons apparait cet envoyé ?

Incontestablement le but des actions du héros-civilisateur est d’aider les hommes, ce qui paraît parfaitement normal, mais cela implique que ce héros vienne d’une civilisation plus avancée ou qu’un groupe ou un être mystérieux lui ait enseigné une morale éducative.
D’ou vient-il ?
Et qui l’envoie ?


Stèle sumérienne d'un génie ailée

Ce mythe est tellement extraordinaire que d’aucuns ont évoqué les extra-terrestres, seuls capables d’éduquer les frustes humains que nous sommes, et de nous faire découvrir les étoiles…
Ce sujet m’ennuie à chaque fois qu’il est évoqué – non parce que je ne crois pas aux civilisations d’autres planètes… je pense bien évidemment qu’elles existent dans notre immense univers – mais parce que cela implique que l’homme n’a que peu de ressources en lui-même et donc que, si quelque chose de bien arrive, cela ne peut venir que de l’extérieur ; que l’homme est dépendant d’enseignements extérieurs à lui-même….
Je crois au contraire que l’homme peut puiser la Connaissance en lui-même…
Dans une écoute différente… dans une relation à lui-même et à ce qui l’entoure… à un autre niveau de perceptions. Nul besoin d’aller dans un autre monde fantastique peuplé d’esprits et autres fantômes, mais allons plutôt vers un monde proprement spirituel : un monde aussi lié à l’humain que sa propre peau, mais tellement méconnu……


representation du dieu Mardouk

Voici certainement le plus vieux mythe des envoyés, celui que l’on a appelé :
"Les sept sages"
En Babylonie, quantité d'hommes venus d'ailleurs s'étaient installés dans la Chaldée (partie littorale de la Basse-Mésopo­tamie), où ils menaient une existence inculte, pareils à des bêtes. Une première année, alors, apparut là, sur le rivage, un monstre extraordinaire sorti de la mer Rouge et appelé Oannès.


Photo de trois statuettes Apkallu

Son corps entier était celui d'un poisson, avec, sous la tête (de poisson), une autre tête (humaine) insérée, ainsi que des pieds, pareils à ceux d'un homme - silhouette dont on a préservé le souvenir et que l'on reproduit encore de notre temps'. Ce même être vivant, passant ses jours parmi les hommes, sans prendre la moindre nourriture, leur apprit l'écriture, les sciences et les techniques de toute sorte, la fondation des villes, la construction des temples, la juris­prudence et la géométrie; il leur dévoila pareillement la culture des céréales et la récolte des fruits : en somme, il leur donna tout ce qui constitue la vie civilisée. Tant et si bien que, depuis lors, on n'a plus rien trouvé de remarquable (sur ce chapitre). Au coucher du soleil, ce même monstre Oannès replongeait en la mer pour passer ses nuitées dans l'eau : car il était amphibie. Plus tard apparurent d'autres êtres analo­gues...
(ce texte est issu de l’ouvrage : "Babyloniaka" de Bérose, qui était prêtre du temple de Bel à Babylone et écrit vers 300 avant J-C)
vous le trouverez dans le livre de Jean Bottéro et Samuel N Kramer : "Lorsque les dieux faisaient l’homme" - mythologie mésopotamienne – aux édition Gallimard 1993


representation de deux Apkallu

Jean Bottéro, fait la relation entre ce texte et des bribes de tablettes Akkadiennes et Sumériennes de 2000 ans avant JC, qui parle effectivement d’un être surnaturel nommé Oannés, créature du dieu suprême Enki ou Ea. Le surnom d’Oannés est Adapa "le sage". Ces êtres - des "Apkallu" - auraient été au nombre de sept, vivant aux services des hommes à une époque antérieure au déluge.
Voici un petit texte, traduction de Jean Bottéro :
Ces sept Apkallu de l’Apsu, "carpes" saintes. Qui pareil à Ea, leur maître, ont été adornés par lui d’une ingéniosité extraordinaire…
Et encore :
Ces sept Apkallu, carpes venues de la mer…
Ces sept Apkallu, "crées" dans la rivière, pour assurer le bon fonctionnement des plan divins concernant Ciel et Terre…

Photo du dieu Nimrod

Voici la première description des tous premiers envoyés ou héros-civilisateurs, qui vivaient semble t-il, il y à plus de quatre mille ans.
Reprenons ce que nous savons de ces êtres pisciformes :
Il ont été crées par le dieu suprême, le créateur – semblables à lui - et ils viennent du monde originel divin : l’Apsu.
Ils sont sept : le chiffre de la nature, ce qui est normal puisqu’ils doivent assurer le fonctionnement de cette double nature : Ciel et Terre.
Ils sont semblables à des carpes, - le premier des poissons selon les Sumériens - et ont deux têtes, une tête humaine, sous une tête de poisson.
Leur domaine est l’eau, (mer ou rivière), où ils retournent la nuit.
Ils apportent la science et diverses techniques aux hommes, selon les plans divin. D’ailleurs ils sont appelés des Apkallu, terme sumérien désignant des êtres supérieurs, des humains surnaturels ou "plus qu’humains", aux facultés extraordinaires, des "super–enseignants" selon Jean Bottéro.

Voyons ce que représentent ces particularités :
Ces héros-civilisateurs sont en rapport avec le monde divin ou originel, et leur milieu est l’eau, la mer ou ici, plus précisément, la rivière qui est : mouvement incessant d’énergies, dirigées vers un but : rejoindre la mer. N’oublions pas que les Sumériens, Babyloniens et autres peuples de Mésopotamie vivaient au bord du Tigre et de l’Euphrate, et ces fleuves majestueux leur donnaient la vie par les poissons et les canaux qui irriguaient leurs jardins. Ce mouvement régulier de l’eau pouvait donner à ces peuples une impression de loi divine, un sens précis à la vie.
la notion ancienne de l’océan évoquait chez les grecs un fleuve puissant : Okéanos, le fleuve-océan, le premier des titans. Il est le symbole de la vitalité et celui du sens précis, de l’orientation voulue par la pensée divine. Okéanos donnera naissance à de nombreux fleuves : images à nouveau transposées sur Terre de l’action bénéfique du plan divin. La mer pour les peuples de cette époque était à redouter, et personne n’empruntait ses voies s’il n’avait pas auparavant fait des offrandes aux dieux.


Stèle d'un génie Sumérien

L’eau est donc le symbole de la relation avec le monde divin, il est:
soit flot d’énergies, source de vitalité,
soit : un monde inconnaissable et dangereux pour l’homme. N’oublions pas que l’homme ne peut explorer le monde marin, que depuis une époque récente..
Ce symbole est abondant chez nos héros-civilisateurs, ou envoyés : Moise franchit la Mer Rouge, très souvent ces envoyés franchissent des fleuves et rivières ou viennent d’au-delà des mers. Dans le mythe des sept sages, l’envoyé a la forme d’un poisson, ce qui signifie qu’il est originellement d’un autre monde, et qu’il est simplement en contact avec le nôtre. Il puise son énergie et ses capacités dans son monde et insuffle ces forces aux hommes.
Dans la genèse 1/2 « le souffle de l’esprit de dieu plane a la surface des eaux » et plus loin, 1/6 « Dieu dit : qu’il y ait une étendue entre les eaux et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. Et Dieu fit l’étendue, et sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus de l’étendue. Et il fut ainsi. Et Dieu appela l’étendue Cieux. »

Ainsi une simple étendue évanescente nous sépare du monde divin, mais par extraordinaire, le monde divin et le nôtre ont un point commun : l’eau, dont ils sont fait l’un et l’autre, c’est le premier état de la matière : la matèria prima.
Ce thème de la séparation du Ciel et de la Terre, se trouve dès l’origine des mythes Sumériens et Egyptiens, bien avant « notre Genèse », de manière moins abstraite que dans l’ancien testament.
Ces envoyés viennent du monde originel symbolisé par l’eau, état de la matière la plus subtile que l’homme peut toucher (contrairement au feu) et dont il tire sa subsistance et sa vie. De ce symbole de l’état du monde divin originel est sortie la Terre ; dans nombre de mythes, l’idée ressort que notre monde s’est matérialisé et ceci de plus en plus au fil des âges, ce que laissent entendre aussi bien les mythes Grecs que ceux de l’Inde. Cet état de la matière : l’eau, qui n’est plus perçu maintenant que comme liquide désaltérant, était pour les anciens l’élément qui pouvait les relier au divin.


representation du dieu Shamash

Mais nous n’allons pas vous proposer un nouveau culte à l’eau purificatrice, voyons plutôt ce que cache cette matéria prima !
La Pythie de Delphes prenait l’inspiration de l’eau de la Castalie, et les offrandes d’eau aux dieux étaient courantes dans le monde ancien. Les états de la voyance ont souvent eu l’eau comme support, et surtout si nous la rapprochons des travaux du professeur Emoto sur les fabuleuses possibilités d’informations transmises par les différents états de l’eau. Vous trouverez sur Internet des sites sur ces travaux si particuliers.
Il semble que nous devons pénétrer plus profond encore cet état de l’eau, jusqu’au point ou les ésotéristes ou mystiques parlent d’un état subtil de la matière : le Prâna ou éther spirituel, perceptible à un homme ayant purifié son être. Il semble également qu’il existe différents degrés de cet état de matière évanescente, qui se révèlent selon la conscience de l’explorateur mystique ou occulte. Les nombreux sages, soufis, sâdhus, spirituels de toutes les époques relatent les mêmes témoignages sur ce monde ou cet état divin…
Les écoles des mystères parlent de chemin d’initiation, par lequel l’homme découvre les différents mondes éthériques ou mondes astrals et les connections avec son être, pour finalement découvrir ce monde spirituel.
Peu importe la façon d’exprimer, de relater des visions de cet état subtil, mais on peut affirmé qu’il existe un pouvoir de perception du domaine spirituel dans un espace ouvert du cœur, mu par le désir sincère de connaissance.
Dans cet espace : l’éternel présent (ou la conscience cérébrale issue de l’ego et de l’espace-temps, est un outil inadéquat,) la perception-conscience est tout autre…
Celui qui se tient dans cet espace sait qu’il y a deux mondes, celui de la matière et celui ou tout est relation, perception, conscience…
Celui qui est devenu conscient de l’univers : pulsation dirigée ou impulsion du Vivant, celui-ci est ainsi devenu un étranger en ce monde, un « Oannès », un poisson sur la terre…
Et cet envoyé ne peut que se retourner vers les hommes pour leur apporté, soit une culture civilisatrice, leur permettant de dégager du temps pour vivre et découvrir le sens du sacré, soit une nouvelle spiritualité qui engage les hommes sur le chemin de la connaissance de leur être originel…

L'Aède