Légendes de l'Aède

Tchènrézi et Tãrã


Nous allons étudier ici deux divinités qui sont les sujets de profondes dévotions dans le monde Bouddhiste : Tchènrézi et Tãrã.
A première vue, se sont des actes ritualisés qui entraînent un lien mystique de dévotion, avec les particularités idéologiques, éthiques, et finalement émotionnelles, qu’expriment ces divinités. Mais tachons de percevoir l’essence de ce rapport entre les disciples et ces principes divins. Auparavant reprenons la base sur laquelle repose ces conceptions et la vision du monde,(en abrégé) selon les Bouddhistes Tibétains.


Selon le bouddhisme, les êtres renaissent dans le Samsara selon la configuration d’énergie de leur karma, et se retrouvent dans l’un des 3 royaumes suivants :
1/ Le royaume du désir, composé du monde des enfer, du monde des esprits avides, du monde des animaux, du monde humain, du monde des demi-dieux, du monde des dieux.
2/ Le royaume de la forme (dieux de la forme)
3/ Le royaume du sans-forme (dieux du sans-forme)


Dessin de la roue de la vie Tibétaine

Dans les royaumes des dieux du désir et des dieux de la forme, on trouve des dieux (issus de l’Inde) tels Indra ou Brahmâ.
La cause de renaissance dans le monde des dieux du désir est la pratique d’actions positives, sur la base de la saisie d’un soi, ce qui génère un orgueil (plus ou moins subtil), et une autre cause, est la pratique de la méditation avec attachement aux expériences de félicité.
La cause de renaissance dans les mondes des dieux de la forme et du sans-forme est la pratique d’actions immuables (absorptions méditatives), avec attachement aux expériences de clarté et de non-conceptualité
Pour sortir du cycle des existences, il faut développer la sagesse du non-soi…


Voilà un autre aperçu de la conception mythologique Bouddhiste Tibétaine, et remarquez que la création de notre monde, avec ses différentes sections est fondamentalement liée au « désir ». Le désir et son corollaire l’attachement seront donc les clés pour ouvrir ce qui va suivre…
Comme je pense que vous, qui lisez ce texte devez faire partie du monde des hommes et donc avez certainement le « désir » comme moi de continuer cette étude, allons plus loin…et retrouvons un des Bouddhas transcendantaux, le créateur de la terre pure : Amithaba.
Place à la légende…


Dessin du Bouddha Amithaba

Amithaba le Bouddha de Lumière Infinie, qui règne sur le Champ de Béatitude, conçut un jour que, pour aider les êtres, il fallait que se manifeste une divinité exceptionnelle ayant l'apparence d'un jeune homme. Son œil droit émit alors un rayon de lumière blanche qui prit la forme de Tchènrézi, ainsi un jeune homme apparut miraculeusement sur un lotus.
Cet enfant est une émanation de l'activité de tous les bouddhas, dit Amitabha ; il est celui qui accomplit le bien de tous les êtres, celui qui réjouit le cœur de tous les bouddhas. Son nom est "Tchènrézi, le Noble Souverain". Le secours qu'apportera aux êtres ce fils bien né sera aussi vaste que l'espace. Alors qu'il était en présence d'Amitabha, Tchènrézi pensa : "Aussi longtemps qu'un seul être n'aura pas atteint l'éveil, j'œuvrerai pour le bien de tous. Et si je venais à manquer à cette promesse, que ma tête et mon corps se brisent en mille morceaux !"
Le Bouddha de lumière : Amitabha comprit cette pensée et lui dit : "Cette promesse est excellente. Je t'aiderai à accomplir ce que tu as promis". Le corps de Tchènrézi émit alors six rayons de lumière qui produisirent des émanations dans chacune des six classes d'êtres:
- les dieux, les demi-dieux, les hommes, les animaux, les esprits avides, les enfers - destinés à agir pour le bien de tous. Tchènrézi œuvra ainsi pendant de nombreuses ères, puis, un jour, du haut du Mont Mérou, il regarda avec l'œil de la connaissance s'il avait libéré de nombreux êtres, si leur nombre avait diminué dans le samsara. Il vit, hélas, qu'ils étaient encore innombrables. Il en fut triste. Découragé, il pensa : "Je n'ai pas la capacité de secourir les êtres ; mieux vaut que je me repose au nirvana". Cette pensée allait à l'encontre de sa promesse. Aussi son corps se brisa-t-il en mille morceaux et il connut une intense souffrance.
Amitabha, par la puissance de sa grâce, recomposa le corps de Tchènrézi.
Il lui donna onze visages, lui conféra mille bras semblables aux mille rayons de la roue d'un monarque universel, et mille yeux, symboles des mille bouddhas du kalpa en cours. Tchènrézi pourrait désormais aider les être sous cette forme, autant que sous ses autres formes, à deux bras ou à quatre bras.
Amitabha demanda à Tchènrézi de reprendre sa promesse et lui transmit alors le mantra aux six syllabes . OM MANI PADME HOUNG.


Thanka de Tchènrézi

Tchènrézi, (qui est en Inde : le bodhisattva Avalokiteshvara) Est la personnification de l’énergie inconditionnelle et toute puissante de l’amour et de la compassion, il déploie autant de bras que de possibilités de venir en aide aux êtres selon leurs besoins. Cette pratique de l’ouverture du cœur engage à développer les qualités nécessaires à la réalisation du bodhisattva en soi.
C’est la démarche de celles et ceux qui recherchent le bonheur des autres et s’engagent à y participer. Il en résulte de grands bienfaits, selon les lamas.

Quelque chose me gêne dans cette démarche, pourquoi ?
Il y a toujours dans les actes de dévotions une part de conditionnement et de démarche personnelle qui laisse peux de place à un questionnement profond. Peut-être est-ce cela qui me gêne ?
Dés le départ pourtant, je sais que cela à trait à ma forme de conscience occidentale, à mon propre conditionnement…
Voyons, reprenons du début, à la page précédente nous avons vu que l’apport signifiant, à la naissance des écoles Mahayana et Vajrayana est la compassion ou l’amour apporté aux autres. Un culte comme celui de Tchènrézi est donc tout à fait normal, comme il est tout à fait normal que le disciple dont l’attitude est pendant longtemps uniquement axé sur « son chemin » doit finalement s’oublier en s’offrant aux autres – de la manière qui lui convient bien sùr. N’oubliez pas que le problème principal de notre monde du désir est « l’attachement », ce qui nous lie à l’obligation de vies successives.
Et voici ce qui me gêne : comment la personnalité peut ne pas s’attacher à un rite journalier tourné vers l’amour et la compassion, alors que ce concept : l’Amour, est communément admis pour être lié à l’attachement à soi-même. Peut-ont trouver la plénitude du non-soi, si les actes que nous faisons quotidiennement peuvent êtres facilement pris par l’Ego, celui-ci se « glorifiant » de sa compassion.
Entrons plus avant dans la description de la divinité…


dessin de Tchènrézi

Voyons ce que dit Bokar Rimpotché de Tchènrézi :
Tchènrézi n'est autre que la nature ultime de l'esprit sans pour autant nier sa manifestation formelle, son essence s'exprime sous une apparence. En même temps que Tchènrézi existe sur le plan de la réalité définitive, au niveau de la réalité-­guide, il apparaît sous la forme d'une divinité. Il est l'expression visible prise par tous les bouddhas afin que nous puissions rendre actifs l'amour et la compassion pour le moment virtuels en nous, afin qu'en nous se révèle l'ultime Tchènrézi. Son nom même exprime sa nature, chaque syllabe le composant ayant en tibétain un sens - tchèn signifie oeil ; - ré donne une idée de continuité ; - zi signifie regarder.
Tchènrézi est donc celui qui "continuellement regarde tous les êtres avec l'oeil de la compassion".
Et voyons la description de cette divinité :
Les apparats de Tchènrézi
La couleur blanche de son corps signifie : totalement pur, libre de tout voile.
Un seul visage : l’essence de tous les phénomènes est une unique saveur.
Les 4 bras représentent : Amour, Compassion, Joie, Equanimité.
Les 2 Jambes dans la posture du lotus unissent compassion et vacuité.
Le joyau tenu dans les mains jointes, accomplit le bien de tous les êtres.
Le rosaire dans la main droite, tire tous les êtres vers la libération.
Le lotus dans la main gauche indique la compassion pour tous les êtres.
Le disque de lune derrière son dos : l'amour et la compassion ont atteint la plénitude.
La peau de biche représente l'esprit d'éveil.
Les différents bijoux, la richesse des qualités de son esprit d'éveil.
Les soieries aux 5 couleurs : les 5 sagesses liés aux 5 bouddhas.


dessin de Tchènrézi

L’esprit humain est tout naturellement orienté vers la satisfaction de ses désirs, ou, a pour aspiration de combler ses frustrations, surtout si celles-ci viennent d’idéaux absolus comme la Paix, l’Amour, l’Harmonie ou la Liberté. Si la conscience ou l’attention qui vous guide sur le chemin n’est pas pleinement à l’écoute, il est fort probable que la puissance d’habitude de l’Ego vous entraînera vers une orientation plus terre à terre, et ainsi confortera votre amour de vous même. Sauf si la base de votre méditation est clairement définie et que le rappel de ce principe est renouvelé quotidiennement.
Quelles sont les bases sur lesquels se place la pratique de Tchènrézi ?
Son corps est blanc synonyme de pureté et d’absence d’ignorance, et ainsi les adjectif : Amour, Compassion, Joie, Equanimité, viennent de la parfaite réalisation-connaissance de la vacuité. Et ainsi les disciples (normalement) se relient à un aspect réellement pur, «  Tchènrézi : nature ultime de l'esprit » ou l’Ego ne doit pas trouver de position pour s’accrocher. Si le ou les guides sont dans l’attention intérieure…
Etudions la naissance de cette forme de compassion :
La réalité de Tchènrézi est une essence d’amour qui vient du Bouddha de lumière Amitabha, le créateur de la terre pure. Cela signifie que la sagesse pleinement consciente, éclairée et discriminante a crée un espace libre ou champ de conscience appelé « terre pure » où la pensée des disciples peut se relier et « voir » ce qui est de l’Amour véritable et ce qui est de l’attachement affectif, à condition qu’ils entrent véritablement en conscience dans l’expérience.
Le monde des divinités représente des archétypes, des « noumènes », c’est à dire le principe subtil d’origine d’une qualité fondamentale, pour ce qui est des dieux, ce sont les essences conceptuelles qui créent notre mouvement quotidien dans ce monde naturel du désir.
Ces archétypes que l’on peut trouver dans toutes les traditions, ne sont pas des images inertes que les hommes ont engendrées, pour combler un vide existentiel. La réalité des ces forces de créations est présente dans notre vie quotidienne pour celui qui veut voir. La relation « homme-divinité » dans le monde occidental est appelé : magie, depuis des temps immémoriaux. Cette magie est appelée magie blanche ou magie noire, selon la coloration de l’Ego qui s’en sert pour assouvir ses désirs. L’initié pleinement conscient de ces archétypes, s’y relie également, (avec semble t-il les mêmes pratiques,) ont parlera alors de magie sacerdotale. Pour quelle raison ? Parce que le monde décrit ici, avec ces pratiques, n’est pas issu du monde du désir, mais d’un espace intermédiaire créé « la terre pure ». Cette « terre pure » provient d’une force-pensée : Amitabha venu d’un autre univers désigné par le nirvana.

Retrouvons Bokar Rimpotché :
On peut envisager la fonction de la méditation de Tchènrézi de manière plus détaillée, ceci sous deux angles:
- comprendre d'une part comment elle permet de développer des aspects aussi variés que l'élimination des pensées illusoires, l'accumulation de mérite, la compassion, la dévotion, la pacifi­cation mentale, la vision supérieure et le mahamoudra ;
- comprendre d'autre part, comment elle permet que s'opère une purification au niveau le plus profond de nos conditionnements.
Il existe deux univers décris par toutes les traditions spirituelles et nommés le monde divin et le monde matériel, ou le Nirvana et le Samsara ou encore, le monde du temps, du devenir et l’instant vivant. L’Eveil est purement : découvrir en soi le monde divin. Ensuite seulement vient la possibilité de faire découvrir aux autres ce domaine pur et absolu.
Pour les « guides » la difficulté consiste à sentir si l’instant et l’attention, est bien posé dans le Nirvana ou dans l’instant présent.
Chacun doit sur le chemin spirituel reconnaître si c’est l’Ego qui parle en lui ou si c’est une autre conscience…
Le monde du Bouddhisme est en relation avec de nombreux scientifiques, en particulier avec les physiciens du domaine quantique.
Pourquoi ? parce que les uns comme les autres connaissent la capacité de l’Esprit à créer…

Ou l’esprit humain qui est lié aux désirs et à son propre développement, ou bien l’Esprit éveillé placé dans le monde originel divin. L’esprit existe en tant que Créateur et ainsi, façonne et invente l’univers au fur et à mesure de ses pensées conceptuelles. L’homme crée véritablement son propre monde, car l’espace de matière subtile où il vit est comme de l’argile qu’il modèle à sa façon. Comme l’expliquent d’une manière différente les scientifiques du monde quantique.
Les hommes sont semblables sur ce monde, la nature a été créée avec des lignes de forces similaires, ensuite, chaque peuple à brodé des aventures, des épopées en relation avec son être intime. Ainsi se sont élaborées les complexes systèmes mythologiques.
Les dieux et divinités sont des forces réelles, des concepts énergétiques subtils pouvant être perçus par l’homme, ce que recherche le mouvement chamaniste actuel. La question suivante est toujours la même : à quel monde se relie le chaman ?
Nous voyons grâce à la philosophie Bouddhiste que la façon de percevoir la relation des hommes avec les divinités est bien plus profonde qu’une simple idéation suivie de dévotion. L’interaction par les rites entre les hommes et leurs divinités a bien des aspects et peut ouvrir une porte sur eux-mêmes, sur « l’Origine ».
Cette « porte » sur un autre univers et les diverses descriptions de « la nature » sont étudiés depuis les temps les plus anciens…et les valeurs contenues dans nos textes mythologiques, légendaires, et spirituels sont bien plus intense et profonde, que ce que l’on veut croire habituellement. A présent, la conception de notre monde et de notre personne doit être réactualisée, la vision matérielle commune est un monde d’ignorance, la réalité de l’esprit fait que nous créons notre univers à chaque instant et que Nous en somme responsable.
Il me semble que le changement que certains attendent, ne peut venir, ni d’un changement social, écologique, politique, ni d’un sauveur qu’il soit messie ou extraterrestre, mais de l’ouverture des yeux et du cœur de chacun sur sa réalité, et d’une aspiration à la pureté qui ne se décrit pas.


Quatre représentations de Tara

Penchons nous maintenant sur la naissance de Tãrã…
Pour cela, je me suis servit de nombreux articles sur le net, et d'un livre, déjà cité écrit par : Bokar Rimpotché - Tchenrézi : Clés pour la méditation des divinités, édition Claire Lumière, 1990.
Avec Tara, nous entrons dans le monde fabuleux que découvre tout étudiant à l’initiation spirituelle. Nous entrons dans le monde des désirs et souffrances, celui qui doit être vécu, vu et laissé.

Tchènrézi posa sur les êtres le regard de la compassion, il vit que, tombés sous l'emprise du désir, de l'aversion, de l'aveuglement, de la jalousie et de l'orgueil, ils étaient recouverts de nombreux voiles karmiques et qu'innombrables étaient leurs souffrances. Il le vit, et une larme coula de chacun de ses yeux. De la larme tombée de son œil droit apparut la déesse Tãrã, de la larme tombée de son œil gauche apparut la déesse Lhamo. Les deux divinités se tournèrent vers lui et lui dirent :
"Ne crains pas, nous t'aiderons dans ta mission pour le bien des êtres".

Suit la description de Tãrã …
Tãrã dont le nom signifie : étoile, est la mère de tous les Bouddhas.
Elle fait l'objet d'une très grande considération dans le bouddhisme Tibétain, car elle est celle qui aide à traverser l'océan du Samsara. Plusieurs pratiques et rituels lui sont Associés.
Tãrã, la divinité, se présente sous les cinq couleurs rituelles différentes, (blanche, verte, bleue, rouge, jaune) correspondant aux antidotes des cinq Poisons : le désir, la colère, la confusion, l’orgueil et la jalousie.
Thanka de la Tãrã rouge
La Tãrã Rouge transmute les désirs.


La Tãrã Bleue...
représente la transmutation de la colère.


dessin de Tãrã bleue

La tara Jaune transmute l'orgueil
et symbolise la richesse et la prospérité.

Elle est invoquée par ceux qui aspirent à développer leur vie matérielle ou spirituelle.


Dessin de la Tãrã jaune

La Tãrã Blanche représente la sagesse de l’Éveil.
Elle est invoquée pour obtenir la sérénité,
la guérison et la longévité.


Dessin de la Tãrã blanche

La Tãrã verte protége des peurs, des dangers et des souffrances!
Elle est appelée la glorieuse libératrice

Et voici de la Tãrã verte, qui semble t-il est la plus souvent invoquée, le texte de sa description :
Hommage à la vénérable et sublime mère de tous les Bouddhas!
Avec une sincère dévotion, je prends refuge en vous
Et pour délivrer les êtres de la souffrance, je pratiquerai le profond yoga.
De la vacuité, surgit la manifestation magique de la sagesse :
Le lieu où je me trouve est un champ pur de Bouddha.
Au centre duquel mon esprit, sous l'aspect de la syllabe TAM,
Devient la sublime Tãrã au teint d'émeraude.
Belle, elle a seize ans et un sourire paisible.


dessin de Tãrã verte

Sa main droite repose sur son genou dans le geste de la permission
Entre le pouce et l'annulaire de sa main gauche elle tient devant son cœur
Un lotus qui s'épanouit près de son oreille
Elle est assise sur un lotus et une lune.
La jambe droite étendue dans la posture royale.
Une partie de ses cheveux est nouée sur sa tête, le reste tombant librement.
Elle arbore au-dessus d'elle, le Bouddha Amithaba, représentant souverain de sa Famille.
Elle porte tous les attributs du Corps de jouissance précieux bijoux, robe de soie.
Et se déploie dans une sphère de lumière.
Dans ses trois centres se trouvent les syllabes OM AH HOUNG.
Dans son cœur la syllabe TAM, verte, posée sur une lune.
Émet des rayons lumineux qui invitent instantanément.
Les déités de sagesse du champ pur "Feuilles de Turquoise."

Ici encore un simple regard ne peut envisager qu’une dévotion toute orientée vers sa propre sauvegarde, ce qui est bien reconnaissable de l’Ego. Mais ne jugeons pas trop vite…usons plutôt de notre capacité de discrimination.


dessin de Tãrã verte

La pratique de Tãrã verte, dite : la Libératrice, prend comme support = Les 21 Louanges.
Ce rituel doit anéantir tous les démons et obstacles sur le chemin. Ces 21 louanges, récitées au crépuscule ou à l'aurore, avec une confiance totale, par un être conscient et doué d'une dévotion authentique pour la divinité, procurera la parfaite absence de peur, pacifiera totalement tous les actes négatifs et anéantira tous les états infortunés. Soixante-dix millions de bouddhas conféreront rapidement leur initiation. En conséquence, on atteindra l'état d’Éveil ultime.
Voici un programme prometteur, il paraît vraiment formidable…
Etudions les 21 louanges : 
OM. Je rends hommage à la très vénérable et noble Libératrice.
OM.. Je rends hommage à la Libératrice, Tãrã, la courageuse qui par Tuttara dissipe toute peur, par Touré accomplit parfai­tement tous les bienfaits, et par Soha je rends totalement hommage.
1) Je rends hommage à la Libératrice, prompte et courageuse, apparue des étamines ouvertes de la fleur, issue des larmes du protecteur des trois mondes, dont l’œil est instantané comme l'éclair.
2) Je rends hommage à celle dont le visage est semblable à l'amoncellement d'une centaine de lunes d'automne parfai­tement pleines, qui, brillant de la lumière de mille étoiles, illumine complètement.
3) Je rends hommage à celle qui est dorée et bleue, dont la main est parfaitement ornée du lotus né de l'eau, à celle qui est l'essence du domaine d'activité de la générosité, de l'ardeur enthousiaste, de l'ascèse, de la pacification, de la patience et de la stabilité méditative.
4) Je rends hommage à celle qui est l'Ouchnicha des Tathagatas, qui manifeste la victoire totale et universelle, celle qui est extrêmement vénérée par les fils des vainqueurs qui ont réalisé toutes les paramitas sans exception.
5) Je rends hommage à celle qui par les syllabes Tuttara et Houng emplit le désir, les directions et l'espace, à celle qui règne sur les sept mondes et qui a le pouvoir d'attirer à elle tous les êtres sans exception.
6) Je rends hommage à celle qui est l'objet du culte des dieux les plus puissants : Indra, Agni, Brahma, Vayou et les autres, celle devant qui s'inclinent et que louent les élémentaux, les zombis, les gandharvas et les neudjins.
7) Je rends hommage à celle qui par Tret et Phet anéantit complètement toutes les machinations extérieures, qui subjugue par sa jambe droite repliée et sa gauche tendue, et qui consume totalement par le feu qui fait rage.
8) Je rends hommage à Touré, l'effrayante qui triomphe parfaitement des démons les plus virulents, à celle dont le visage de lotus, froncé de courroux, tue tous les ennemis jusqu'au dernier.
9) Je rends hommage à celle dont le cœur est parfai­tement orné du moudra des Trois Rares et Sublimes que forment ses doigts, et qui est parée de la roue universelle dont les faisceaux lumineux désintègrent.
10) Je rends hommage à celle qui, depuis son diadème, répand des guirlandes de lumière qui apportent la joie parfaite et éblouissent, celle qui par l'éclat de rire de Tuttara assujettit Mara et le monde.
11) Je rends hommage à celle qui a le pouvoir d'attirer à elle l'assemblée des protecteurs de l'univers et toute leur suite, celle qui, en fronçant son visage et par la syllabe Houng, délivre de toutes les formes de pauvreté.
12) Je rends hommage à celle qui scintille par son diadème avec le croissant de lune et par tous ses ornements, à celle qui émet continuellement une lumière intense provenant d'Amitabha dans sa chevelure.
13) Je rends hommage à celle qui demeure au cœur d'une guirlande flamboyante semblable à un feu de fin des temps, à celle qui, avec la jambe droite tendue et la gauche repliée, vainc complètement les hordes des ennemis de ceux qui se réjouissent de l'exposition de l'enseignement sous toutes ses formes.
14) Je rends hommage à celle qui écrase de la paume de sa main, frappe de ses pieds la surface de l'univers, celle qui prenant un aspect courroucé assujettit les sept degrés par la syllabe Houng.
15) Je rends hommage à celle qui est bienheureuse, vertueuse, paisible, dont l'essence est le domaine d'activité de la paix qui transcende la souffrance, qui, au moyen du mantra parfaitement pur avec Soha et Om, triomphe des actes nuisibles.
16) Je rends hommage à celle qui subjugue complè­tement le corps des ennemis de ceux qui se réjouissent pleinement de tous les enseignements, à celle qui libère par l'arrangement du mantra de dix syllabes et par Houng avec le mantra de sagesse.
17) Je rends hommage à Touré, celle dont l'aspect essentiel prend la forme de Houng, qui frappe du pied et ébranle les trois mondes : le Mont Mérou, le Mandara, le Bikdjé.
18) Je rends hommage à celle qui détient le symbole qui ressemble au lac des dieux, marqué de la biche, celle qui, par la récitation redoublée de Tãrã avec la syllabe Phet, dissipe complètement tous les poisons.
19) Je rends hommage à celle que vénèrent le roi des dieux, les dévas et les esprits d'apparence humaine, celle qui par son armure et la joie qu'elle diffuse élimine les conflits et les mauvais rêves.
20) Je rends hommage à celle qui illumine de ses deux yeux de soleil au zénith et de lune pleine, celle qui par le redoublement de Hara et de Tuttara endigue les épidémies les plus redoutables.
21) Je rends hommage à celle qui par l'établissement des trois syllabes essentielles détient authentiquement le pouvoir de pacification, celle qui est la sublime Touré qui triomphe des démons, des zombis et des esprits malfaisants.


dessin de Tãrã verte

Voici donc un rituel d’hommages comme sans doute nombre de divinités en ont reçu à travers les ages. Ce texte pourtant, malgré sa simplicité apparente doit emmener un adepte vers une initiation profondément spirituelle. Quelle ouverture de conscience peut bien offrir un tel texte fait de nombreux hommages qui semblent encore peu élevés spirituellement parlant.
La majorité des légendes qui doivent débroussailler l’esprit encombré des disciples sur le chemin, ne semblent pas moins obscures, si bien que la plupart des gens ne voient qu’une histoire plaisante et non un guide spirituel.
Etudions ce rituel, mais avec beaucoup de prudence, car j’ai peu de connaissances ésotériques du Bouddhisme et, sans connaissance du sanskrit, je ne peux pas étudier les racines des termes employés. Essayons simplement de percevoir le sens donné de ces louanges, la direction qu’elles montrent.

D’abord nous avons devant nous une succession de descriptions d’images différentes, ce qui suggère déjà un processus. Ce processus a 21 phases, et pourrait être divisé en trois phases principales : ainsi, ce rituel serait basé sur le septénaire de la nature, c’est à dire sur la base de toutes les expériences que peut faire l’homme en ce monde. Cette base est reliée au ternaire sacré, qui peut être représenté par de nombreuses figures, comme les trinités présentes en nombre dans les mythologies, les trois corps de conscience de l’homme et les trois joyaux Bouddhiques, par exemple.
Il semble que ces trois phases représentent trois paliers de conscience, trois paliers évolutifs amenant doucement l’esprit du disciple à percevoir et à délier ses propres éléments psychologiques et karmiques. Cela est rendu possible grâce à l’attention de l’étudiant sur son chemin, sa conscience du But et grâce à la Sangha dans laquelle tous les disciples sont orientés vers le même objectif.
Au début de ce texte, nous trouvons la description de trois aspects de Tãrã qui correspondent aux trois fonctions primordiales ou aux formes successives amenant 1/la conception, 2/la possibilité de création et 3/l’action réalisatrice. Sa puissance ternaire est posée, ce qui signifie que les forces de réalisation pour aller le chemin, sont au service de l’aspirant au divin.


Dessin de Tãrã blanche

Voyons cette projection du chemin d’initiation…
Première phase: Tãrã subjugue et ouvre le domaine naturel, émotionnel et psychologique ou se meut la conscience ordinaire du disciple.
1) issue des larmes du protecteur des trois mondes, :l’Origine de Tãrã.
2) son visage brille de la lumière de mille étoiles.:Elle est lumière.
3) elle est l'essence de la générosité, de la pacification, de la stabilité méditative.:La base, le chemin.
4) manifeste la victoire totale et universelle,:la sûreté du chemin.
5) qui règne sur les sept mondes et qui a le pouvoir d'attirer à elle tous les êtres.:La clé du désir. (Le Désir ou l’Attention nécessaire du disciple.)
6) qui est l'objet du culte des dieux les plus puissants.:Louée par les essences naturelles qui s’agenouillent devant un initié.
7) qui subjugue par ses jambes, et qui consume totalement par le feu :Maîtrise les manifestations provenant de la nature.
(Cette première phase dégage les émotions et affections du disciple, par la conscience de la recherche du divin : l’origine, sa lumière et sa réalité. Puis avec les expériences vient une sûreté, et le désir du chemin prend une consistance qui fait s’écarter les manifestations de sa propre nature humaine)
Deuxième phase : Tãrã : sa/la nature et ses caractéristiques octroyées au disciple.
8) l'effrayante qui triomphe des démons, à celle dont le visage de lotus tue tous les ennemis.:Sa réalité d’être.
9) celle dont le cœur est orné du moudra des Trois Rares et Sublimes que forment ses doigts, et qui est parée de la roue universelle dont les faisceaux lumineux désintègrent.:Son état et ses possibilités qui éclairent le chemin.
10) celle qui, depuis son diadème, répand des guirlandes de lumière qui apportent la joie parfaite, qui par l'éclat de rire assujettit Mara et le monde.:L’illusion est vue comme telle et la joie vient.
11) celle qui a le pouvoir d'attirer à elle l'assemblée des protecteurs de l'univers, celle qui, en fronçant son visage délivre de toutes les formes de pauvreté.:L’ignorance, (état naturel de l’homme) se dissout.
12) celle qui scintille par son diadème, à celle qui émet continuellement une lumière intense provenant d'Amitabha.:Les forces spirituelles peuvent à nouveau pénétrer.
13) celle qui demeure au cœur d'une guirlande flamboyante, à celle qui, avec les jambes vainc les hordes des ennemis.:La conscience s’ouvre et découvre.
14) celle qui écrase de sa main, frappe de ses pieds la surface de l'univers, celle qui prenant un aspect courroucé assujettit les sept degrés.:Et vient la compréhension du Samsara.
(Cette phase est plus en relation avec la perception de ce qui est spirituel en soi. Cette découverte se fait progressivement : l’interrogation, puis l’ouverture à l’attention de cette réalité et de ses qualités. Ensuite l’éclairage que celle-ci déploie sur son univers et qui apporte ainsi la conscience de soi.)
Troisième phase: Tãrã et son activité d’Eveil.
15) celle qui est bienheureuse, dont l'essence est la paix qui transcende la souffrance,:la paix de l’Eveil.
16) celle qui subjugue complè­tement le corps des ennemis, celle qui libère par l'arrangement du mantra de dix syllabes et le mantra de sagesse.:L’activité des forces provenant de l’Eveil.
17)celle dont l'aspect essentiel prend la forme de Houng, qui frappe du pied et ébranle les trois mondes.:Cette activité ébranle les trois foyers de consciences : mental – émotionnel – instinctif.
18)celle qui détient le symbole qui ressemble au lac des dieux, marqué de la biche, celle qui, par la récitation dissipe complètement tous les poisons.:La force spirituelle nettoie et apaise l’être.
19)celle que vénèrent le roi des dieux, les dévas, celle qui par la joie qu'elle diffuse élimine les conflits.:Et met fin aux conflits intérieurs.
20) celle qui illumine de ses deux yeux de soleil au zénith et de lune pleine, celle qui endigue les épidémies les plus redoutables.:La connaissance des deux mondes met fin à toute folie humaine.
21) celle qui par l'établissement des trois syllabes détient le pouvoir de pacification, celle qui est la sublime Touré qui triomphe des démons.:La connaissance du début de toutes choses : les trois sons originels, est/et également l’intégration dans le monde originel.
(A la deuxième phase, le regard est encore tourné vers le monde du Samsara, maintenant il se tourne vers l’autre dimension : le Nirvana. La reconnaissance de ce qui est réellement l’être se fait : vient la Paix, ce qui favorise l’action des forces spirituelles. Les conflits et la conscience du seul et unique conflit en soi est vu, les chutes ne sont plus possibles, il ne reste que l’état de l’être conscient que tout est un manifesté en trois en ce monde.)


Tchanka de Tãrã verte

le rituel de Tãrã la verte, la grande libératrice est celui qui libère de la peur.
Comment en ce monde, peut-on être libre de la peur ? C’est absolument impossible... la peur fait partie de cette vie, elle est irrémédiablement attachée à l’homme. Ici, et nul part en ce monde n’existe un endroit ou il n’y a pas la peur, car elle est la compagne de notre existence. La réalité de l’être humain est celle d’un fétu de paille, il se projette sans cesse dans l’avenir par peur, car son existence n’a pas de base solide sous ses pieds.
L’homme ne se connait pas lui-même, parce qu’il se croit la résultante du passé et qu’il se construit sans cesse dans l’avenir et ceci ne lui donne aucune base réelle.
De quoi l’homme a t-il peur ?
De l’avenir ?
Mais dans ce cas il est logique avec lui-même quand il se définit par ses objectifs, et alors il devrait être en paix !
De quoi l’homme a t-il vraiment peur ?
De son passé ?
Là encore, s’il oriente sa conscience vers l’avenir, il devrait pouvoir objectiver ses affects.
Mais le « monde » est terriblement effrayant, car quelque soit les constructions, objectifs, développements de soi-même que l’on place devant soi, le temps et la matière exerceront leurs propres influences et réduiront à néant toutes ses projections. L’homme est une brindille selon la mesure de l’univers et ses actions, ses intentions sont « du vent ».
Je pense que l’Homme a peur de cette réalité, il ne sait vraiment rien qui lui donne une base solide et se sait perdu dans le vaste univers.
La véritable absence de peur vient de l’acceptation totale de l’instant vivant.
C’est la seule victorieuse libération que peut apporter Tãrã, celle de l’état de Bouddha en soi.

Ainsi un rituel, s’il est porté par cette connaissance intime, peut être libérateur, autrement cela est une expérience intéressante au mieux, comme toutes les formes du chemin que l’homme construit devant lui. Les diverses explications de la vision bouddhiste tibétaines, dans les deux pages précédentes, peuvent permettre de mieux concevoir l’effet que peut apporter une pratique comme celle de Tãrã.
La formidable expérimentation des légendes, mythologies et rituels que façonnent l’homme, doit lui permettre de mieux se connaître et d’entamer une véritable recherche de sa réelle dimension et de celle de ce monde.

L'Aède

Le livre qui m’a apporter le plus de renseignements et qui décrit Tãrã et ses louanges est :
Tãrã verte par Lama Yéshé Nyingpo, édition Dzambala 2002