Le combat de Zeus contre Typhon
Il y a dans la mythologie grecque deux combats extraordinaires dignes de la création de l’univers : celui de Zeus contre ses illustres ancêtres : les Titans,
et celui du puissant dieu de l’orage, contre le prodigieux et terrifiant serpent : Typhon.
Ce combat titanesque ne semble pas être réservé à la nation grecque, puisque de nombreux mythes relatant un combat entre un serpent phénoménal et un dieu de l’orage existe chez d’autres peuples.
Ce combat existe aussi chez les Hittites ainsi que chez les Hourrites dans l’ancienne Anatolie et, semble t-il, chez d’autres peuples du Moyen-Orient. Cette inspiration mythique désigne l’importance et l’intérêt pour les hommes de ce mythe, certainement parce qu’il contient une puissante signification.
Quelle peut en être la raison ?
Pour commencer voici la geste de Typhon dans...
la Théogonie d'Hésiode (vers 750 av JC).
Il s’agit du texte le plus complet sur ce mythe, qui débute au vers 820 et se termine au vers 880 de la Théogonie.
Lorsque Zeus eut chassé les Titans d'Ouranos, le ciel sans limite, Gaia, s'unissant a Tartaros, par la grâce de l'Aphrodite d'or, engendra Typhon/Typhoëa, le dernier de ses enfants : les vigoureuses mains de ce dieu puissant travaillaient sans relâche et ses pieds étaient infatigables ; sur ses épaules se dressaient cent têtes de serpents, et de chacune sortait une langue de ténèbres ; des yeux qui armaient ces monstrueuses têtes, jaillissait une flamme étincelante ; toutes hideuses à voir, proféraient mille sons inexplicables et quelquefois si aigus que les dieux même pouvaient les entendre. C'était tantôt la mugissante voix d'un taureau sauvage et indompté, tantôt le rugissement d'un lion au cœur farouche, et souvent, ô prodige ! les aboiements d'un chien ou des clameurs perçantes dont retentissaient les hautes montagnes. Sans doute le jour de la naissance de Typhon aurait été témoin d'un malheur ; car il aurait usurpé l'empire sur les hommes et sur les dieux, si l'esprit perçant du maître de l'univers et père des hommes n'eût tout à coup deviné ses projets.
Zeus lança avec force son puissant tonnerre qui fit retentir un fracas épouvantable sur toute la terre, le ciel tout en haut, le flot marin, les eaux du fleuve-océan et les abîmes du Tartare insondable. Quand le roi des dieux se leva, le grand Olympe chancela sous ses pieds immortels ; et Gaia gémit. Le flot marin : Pontos devint sombre et fut bientôt illuminé d'éclairs à la fois par le tonnerre et la foudre de Zeus, et par le feu et les tourbillons des vents enflammés que vomissait le monstre. La terre bouillonnait sur toute son étendue, comme le ciel et la mer ; sous le choc des célestes rivaux, les vastes flots se brisaient contre les falaises aux limites des mondes ; un irrésistible ébranlement secouait l'univers. Hadès, le dieu qui règne sur les morts, tremblait d'épouvante, et les Titans, enfermés dans le Tartare, réunis autour de Kronos, frissonnèrent devant l'inextinguible tumulte et la férocité du terrible combat.
Enfin Zeus, rassemblant toute sa force ardente, s'arma de sa foudre étincelante, de ses vifs éclairs et de son tonnerre assourdissant, s'élança du haut de l'Olympe sur Typhon, le frappa de toute la puissance de son feu et réduisit en cendre les fantastiques têtes de ce monstre effrayant qui, vaincu par ses coups redoublés, s'effondra sur la terre immense, qui gémit sous le choc. Mais la flamme rejaillit du corps foudroyé de ce monstre titanesque, et envahie les gorges de la montagne couverte d'épaisses forêts. La vaste terre brûlait par le souffle prodigieux de l'incendie, enveloppée d'une immense vapeur, elle fondait comme l'étain échauffé dans les creusets des forgerons ou comme le fer attisé par le feu du dieu Héphaïstos. Ainsi fondait Gaia, embrasée par l’éclat du feu flamboyant. Mais Zeus finalement, le cœur affligé, jeta Typhon dans le vaste Tartare.
Ainsi de Typhon sortent les vents au souffle humide, qui agitent la mer, excitent de violents orages, dispersent les navires et font périr les matelots. Seuls ces trois vents : le Notos, le Borée et le Zéphyr sont issus des dieux, et sont un bienfait pour les humains.
(Cette traduction est inspirée de celles de A Bignan, de Paul Mazon et de celle de Annie Bonnafé qui est la plus récente et certainement la plus intéressante.)
Epique et sensationnel, non ?
N’oublions pas que pour les anciens grecs, c’est à l’issue de ces deux batailles que le dieu de l’orage devint le maître et le régent de la terre. Ainsi les éléments de la nature et les animaux purent s’établir en paix sur la terre et la naissance des hommes devint possible !
Il s’agit donc bien là d’une maîtrise des forces phénoménales de l’univers chaotique, encore à l’état latent ou inorganisées.
Bien sûr, pour nos scientifiques du siècle dernier, ce texte n’est qu’une histoire fabuleuse inventée par des hommes « frustres et sauvages » n’ayant aucune connaissance des forces réelles de la nature. Cet a priori fait qu’aucune étude sérieuse n‘a pu se faire, sur le contenu de ce passage et de ce texte. Pourtant si l’on considère la science des égyptiens à la même époque, leurs capacités à décrire l’essence des animaux dans les hiéroglyphes, la pertinence de leur « philosophie » qui porte justement sur l’observation attentive de l’univers, et sur leurs réalisations matérielles, on peut se demander ce que cache cette histoire extraite de la théogonie d’Hésiode. Et si, les conceptions de l’univers des peuples antiques, diffusées sous de simples histoires mythologiques, ne portaient pas une réalité perceptible par l’homme de manière intuitive, une réalité d’énergies subtiles, mais parfaitement réelles.
Ce que l’on sait maintenant, c’est que tous les peuples antiques de 2000 à 1200 av JC, sur le pourtour Est de la méditerranée, commerçaient et échangeaient savoirs et croyances. Ils n’étaient donc pas des « êtres simples et frustres » au contraire, ils avaient une pensée très élaborée, sur laquelle reposait leur civilisation. Mais cette pensée antique ne reposait probablement pas sur nos systèmes de connaissances, trop lié au "mental", et par trop soumis à un progret et à un développement infini. L’homme actuel moderne se projette sans cesse dans l’avenir et se coupe forcement de la réalité des forces de l’instant présent.
Poursuivons avec les autres textes de combats fabuleux…
Voici deux résumés de mythes et le commentaire d’un texte Hittite par Alice Mouton dans son ouvrage : « Rites, mythes et prières Hittites », aux Editions du Cerf, 2016.
Le serpent Illuyanka ayant vaincu une première fois Hatti, le dieu de l'orage, celui-ci cherche à prendre sa revanche, Pour lui venir en aide, sa fille la déesse Inara organise une fête à laquelle elle convie le serpent monstrueux et sa progéniture. Le serpent s'enivre lors de ce banquet, ce qui permet à Inara et à son amant humain Hüpasiya de le ligoter. Le dieu de l'orage peut ensuite le mettre à mort sans difficulté.
Un autre récit Hittite décrit un dieu de l'orage vaincu par le serpent Illuyanka et ayant perdu au combat son cœur et ses yeux. Étant trop faible pour recouvrer ses organes par lui-même, il fait appel à l'un de ses fils, celui-ci étant opportunément marié à la fille du grand serpent. Ce dernier cède à la requête de son gendre, respectant ainsi le principe de dot et de contre-dot propre au mariage. Il restitue le cœur et les yeux du dieu de l'orage qui en profite pour livrer bataille au puissant Illuyanka. C'est alors qu'un événement imprévu intervient: son propre fils se ligue contre lui, refusant de trahir son beau-père Illuyanka.
Un autre mythe d’origine Hourrite est exposé dans le même livre, traduit par Alice Mouton :
Le chant de Hedammu, décrit le combat de Tesub, le dieu de l'orage contre un énorme serpent marin. Le serpent est envoyé par le dieu Kumarbi qui veut reprendre le trône au dieu de l'orage Tesub qui l'avait supplanté. La sœur de Tesub, Sausga, réussit à séduire le serpent et à le distraire, ce qui permet à Tesub de le tuer.
Ce mythe propre au peuple Hourrite habitant un territoire entre l'Anatolie actuelle et le Nord de l'Irak et de la Syrie, fait partie d'un ensemble de textes très proche de la Théogonie d'Hésiode, avec notamment deux batailles comparables à celle de Zeus et de Kronos et des Titans et à la bataille avec Typhon.
Voici le commentaire d’Alice Mouton :
« Le mythe d'Illuyanka à proprement parler décrit le combat du dieu de l'orage hatti contre le serpent monstrueux Illuyanka. On considère généralement qu'à travers ce combat, ce sont les forces du ciel et du monde souterrain qui s'opposent. Pour cette raison, on a souvent pensé que ce combat symbolise le cycle des saisons, mais d'autres hypothèses ont également été avancées. »
Cette conception est selon nous trop simple, car le symbole du serpent, trop souvent lié à la terre, représente plutôt le phénomène vibratoire de l'énergie liée au temps. En cela, il représente la vie vibrante ou ondulatoire comme son mode de déplacement, et le cycle de l’éternité, par sa capacité à muer annuellement et ainsi à se régénérer. D’ailleurs les deux fantastiques combats de Zeus qui lui permettront de régner en maître sur une terre apaisée, il les livre contre Kronos, le temps, et ses frères et sœurs les Titans, les énergies cosmiques et contre ce serpent qui symbolise également un cycle anarchique, dévastateur pour l’agencement de la vie, car Typhon est également né de la sombre dualité : Tartaros.
Ce mythe est donc très important pour l’espace indo-européen ancien, et il représente une tentative d’expliquer les forces de l’univers que chaque homme peut sentir en lui,,, s’il écoute... forcément…
Chercher la page sur Indra et son combat contre Vrta et vous trouverez l'équivalent Indien.
L'Aède
PS :La Photo de la pierre hittite est de Georges Jansoone (JoJan) — Photographie personnelle, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2123385