Jason et les argonautes
L’archétype de la quête initiatique
Partons sur les traces des mystes, des initiés de l’ancienne Grèce, avec Jason et ses compagnons sur le navire Argô.
C’est le processus de connaissance de soi que découvraient les candidats à l’initiation vers le premier millénaire avant notre ère. Cette initiation est la plus ancienne qui nous soit parvenu dans son intégralité, même si elle à été réécrite vers 250 av JC. Elle place la ressouvenance d’un état de Connaissance parfaite, de l’Amour parfait et du Bien parfait préexistant en l’être. Cette résonance perdure jusqu'à l’accomplissement total de cette réalité en soi, que nous appelons maintenant « l’éveil spirituel ». Cet « éveil » était également le but véritable de la quête pour les anciens Grecs.
Le texte qui dévoile totalement la quête de la toison d’or, est celui d’Apollonios de Rhodes (295 -215 environ, avant notre ère), éd Belles-Lettres ou sur le net : remacle.org.
Apollonios avait été le disciple de Callimaque de Cyrène, avant dit-on, de surpasser son maître, un conflit avec celui-ci, l’avait conduit à l’exil sur l’île de Rhodes. Par la suite, il devint directeur de la bibliothèque d’Alexandrie. Les « Argonautiques » est un ouvrage de jeunesse, mais un ouvrage de « maître » et c’est sans doute ce texte qui à fait l’objet de la dispute avec son maître.
Ce récit est divisé en trois périodes clairement définies :
1/ le voyage sur mer vers la terre de Colchide,
2/ les épreuves de la terre de Colchide, et la prise de la toison d’or,
3/ la fuite et le retour par mer vers la patrie de Jason.
Chaque phase est synonyme d’une ouverture de conscience caractéristique que nous retrouvons dans nombre de légendes. Nous allons suivre chaque rencontre, chaque épreuve et essayer de percevoir le sens profond de chaque confrontation à soi-même, à l’ego, au subconscient. Ces trois phases sont universelles puisqu’elles désignent trois états de conscience :
1/ la découverte de sa propre conscience naturelle enfermée dans ses concepts dualistes et esclave de l’ego et de ses émotions.
2/ l’ouverture de l’être à une conscience du cœur, communément appelé âme.
3/ enfin, l’ouverture à une dimension hors de l’espace et le temps, où l’être se retrouve réellement, définie par la rencontre avec l’Esprit.
Ces trois phases s’enclenchent et se vivent petit à petit, mais tout cela débute grâce à une étincelle, une souffrance, un appel ou un désir insurpassable. Ce déclencheur étant très différent pour chaque personnalités, nous allons voir rapidement ce qu’il en est, pour le héros Jason.
Mais quel est le nombre de héros accompagnant Jason ?
Ils y a cinquante quatre argonautes qui symbolise l’humanité… plus Jason, l’élément moteur de cette aventure, qui exprime l’attention continuelle au retour à l’unicité.
Certains éléments permettent de suivre ce processus de conscience :
A/ le nom et l’action du personnage…
Chaque protagoniste de cette épopée a une signification profonde et le nom de ces personnages peut nous permettre de placer concrètement l’idée exacte exprimée par chacune des actions de ce récit. (L’étude des noms propres et celui des lieux avec l’étymologie et les racines grecques ne sont pas possible dans ces pages. Seulement dans mon ouvrage : « Trois légendes initiatiques » à commander…)
B/ l’attention aux lieux ou se déroulent ces actions.
Ce qui nous guide dans la description des phénomènes intérieurs vécus lors des épreuves, est ces espaces physiques : rivières, montagnes, ou îles, qui désignent un état ou un changement psychologique que l’action souligne, démontre et accomplit.
C/ Ensuite, l’aspect à retenir tient dans l’attitude, la démarche psychologique, la disposition des sentiments des personnages principaux.
C’est ce qui nous permet de percevoir le point de compréhension que l’initié doit intégrer, doit accepter, afin de permettre un renouvellement de la forme de conscience lié à ce point du chemin. L’état mental du personnage principal nous donne la clé ( son intention ou sa volonté) ; cet élément avec le territoire (l’état psychologique ou les possibilités de conscience) et l’action (l’énergie en mouvement dans le processus) dévoile le contenu du passage initiatique en question.
Pour le Myste qui vivait ce processus dans la réalité, cette légende était une esquisse de sa propre initiation et un moyen de reconnaître les phases qu’il aurait à traverser.
- Suivons maintenant le prélude du récit des « Argonautiques »…
« Tout commence par la prédiction que Pélias, l’oncle de Jason, avait entendue, celle-ci disait : Que celui qui se présenterait devant lui avec une seule sandale aux pieds le jetterait de son trône !
Quand Jason s’est présenté devant le roi, il avait perdu une sandale en franchissant un cours d’eau, d’où la peur de Pélias en souvenir de la prédiction. Pélias lui propose, pour recouvrer sa royauté, de prouver son courage en rapportant la toison d’or ».
- Nous voici au tout début du chemin intérieur à la rencontre du conflit entre le divin à l’état latent (juste une mince empreinte) et l’ego régnant qui à peur de perdre sa suprématie.
Nous voyons les symboles apparaître :
Le cours d’eau qui signifie toujours le franchissement de la frontière avec le domaine de l’intuition ou de l’âme – même si pour l’heure cela est encore abstrait.
La perte de la sandale, cette unique sandale restante devient un objet de reconnaissance. Pour quelle raison ? Les gens du peuple ne portaient pas de sandale à cette époque, ainsi cela signifiait déjà que le personnage était un homme de haute noblesse. Ensuite, l’épisode de la perte d’une sandale lors de la traversée du ruisseau, permet à l’ego (Pélias), de reconnaître une personne particulière, à cheval entre deux tendances : puisqu’un pied nu désigne la relation avec la nature et la domination de celle-ci et que l’autre pied, isolé du sol, désigne l’état de noblesse qui provient uniquement du lien avec le divin. (Cet élément est inversé pour l’entrée dans les temples.) Jason est cette personne, ce futur initié encore inconscient, et l’ego doit réagir, entraînant l’action…
- Voyons ce qui déclenche l’élan pour cette quête :
Sans remonter jusqu’aux ancêtres de Jason, (Athamas et son vol jusqu’en Colchide sur le bélier à la Toison d’or) intéressons nous à ses parents et à son tuteur : Jason est l’enfant d’Alkimédé et du vieux Aison, qui a été spolié de son trône par son frère Pélias. Jason a été élevé par Chiron, le plus sage des centaures
- Mais pourquoi choisir un centaure : mi-homme mi-cheval, comme éducateur ? Il est dit de Chiron qu’il est très sage, car il nous montre qu’il est maître de sa partie animale, de ses instincts naturels.
Replaçons maintenant le personnage central : Jason.
Il est celui qui lance cette aventure et ouvre la première phase. Sa mère l’a nourri et protégé, car son père était très âgé. Et Jason, a bientôt, en face de lui un être sombre, Pélias, qui lui impose la quête de la Toison d’or pour pouvoir recouvrer sa royauté. Le principe « Jason » dans cette épopée consistera à garder l’orientation sur le but : aller en Colchide et ramener la Toison d’or.
Quelle est la signification de cet entrée en matière ?
Le futur initié ou myste doit déjà avoir une bonne connaissance de ses possibilités, représentées par les éléments : Aison, et Chiron ; alors, naît un désir profond de découvrir ce qui le meut au plus profond de lui, et l’acceptation des évènements qui surviendront, quels qu’il soient, lui viendra par la force d’acceptation représenté par Alkimédé.
Le côté sombre de la personnalité est représenté par Pélias. Cet aspect figé sur lui-même ne tient pas à être dépossédé du pouvoir, de la maîtrise sur les autres et de la capacité à satisfaire ses désirs.
Jason n’a pas d’autres signification que celle de garder dans son cœur l’élan vers le but spirituel et ne pas le lâcher quoi qu’il arrive, et quelque soit la durée du voyage, c’est peut-être la tâche la plus difficile sur le chemin spirituel. Cet élan vers la vie intime au plus profond de soi ne peut être mené à bien seul, car le chemin est long et difficile, c’est pourquoi Jason a besoin de toutes les forces (de l’être) disponibles pour cette aventure qui sont représentées par les héros. Les héros Grecs symbolisent des potentialités en l’initié pouvant venir à son aide en fonction des situations. Nous examinerons la signification de ces héros lors des circonstances du voyage.
Jason a déjà rencontré Apollon sur son passage vers le palais de Pélias. Socrate dit d’Apollon, dans le « Cratyle » qu’il signifie : « qui lave » ou qu’il est le purificateur. D’autres divinités vont aider Jason et les argonautes dès le départ, comme Athéna. Socrate dit qu’elle signifie : intelligence de dieu ou, celle qui conçoit et porte à manifester les choses divines. Jason est aidé par Héra également et Socrate dans le « Cratyle » dit que le nom de la déesse Héra correspond à : aimable, ce qui est extraordinaire quand on parcourt les diverses histoires grecques qui distinguent le plus souvent dans cette divinité, un caractère jaloux et fort peu complaisant. Plus loin Socrate évoque « l’air » comme sens originel pour le nom d’Héra, et dans un autre passage « l’air » est explicité comme : flux perpétuel, ce qui exprime mieux la nature emportée d’Héra, mais aussi le subtil mouvement divin.
- Héraklès refuse de prendre le rôle de chef de cette expédition, prétendant que cet honneur revient à Jason. C’est Tiphys, que les argonautes choisissent comme pilote, sans doute parce qu’il sait prévoir les tempêtes. Ce pilote meurt à un moment et sera remplacé à l’approche de la terre de Colchide, par Agkaios. Enfin Orphée le chantre divin est toujours prêt pour apaiser et élever les cœurs des Argonautes dans ce voyage. Orphée vient de orph = couvrir, cacher et phés = rendre visible.
Nous trouvons ainsi deux éléments complémentaires qui donne : exprime ce qui est voilée ou manifeste la pensée secrète des dieux (voici l’exemple du travail sur les racines grecques que vous trouverez en détail dans mon ouvrage.) Cela reflète bien l’image de ce héros qui exprime par son chant, une puissance capable de subjuguer les hommes comme les animaux, et d’inspirer la paix par sa voix. Orphée sera surtout très actif dans le voyage aller et lors de l’épisode des sirènes dans le voyage du retour.
(la liste des héros est en notes 2)
N’oublions pas que les futures épreuves d’initiation auront lieu grâce à un véhicule qui permettra de vivre ces expériences : l’Argô, la nef blanche éclatante de lumière, selon la racine arg. L’Argô est le champ de lumière ou s’immerge l’initié. L’Argô est un temple en fait, et nous trouvons là son sens véritable. Athéna elle-même a présidé à la construction de l’Argô, et nous savons qu’Athéna met en œuvre les suggestions divines, ou porte à manifestation la concrétisation des forces intérieures spirituelles.
Je vous conseille de lire le texte pour pouvoir suivre cet itinéraire spirituel que nous ne pouvons placer ici véritablement : éd Belles-Lettres.
Voici la première phase du voyage avec les nombreuses épreuves que les Argonautes rencontreront sur les 12 terres abordées, jusqu’au pays de la Toison d’or. Examinons ces douze îles ou terres qui sont explorées avec plus ou moins de péripéties par les argonautes jusqu'à la treizième : la terre de la Toison d’or.
1/ La première île place les Argonautes en face du tombeau de Dolops sur la terre de Magnésie Les héros y sacrifient des brebis en l’honneur de Dolops. Que signifie Dolops en grec ancien ?
Nous retrouvons la racine Di signifiant : séparer, et encore : Duo = deux ou = double. Magnésievient de la pierre de Magnés qui est un aimant, ce qui en Français a donné : « magnétique » : qui attire.
- La leçon de cette première étape est de reconnaître pleinement la dualité fondamentale qui est au plus profond du cœur humain. De se placer consciemment devant la réalité que nous sommes enchaînés à cette nature, mais que nous portons en nous des émotions si élevées qu’ils ne peuvent venir que d’une autre dimension. Tous nos sens et notre intellect sont accaparés par la survie dans le monde des phénomènes extérieurs et nous savons peu de choses sur ce que nous sommes réellement. Il n’y a pas de chemin spirituel sans conscience au préalable de ces concepts ; l’intuition d’être double, à la fois humain, et portant une parcelle du divin.
2/ La deuxième île est très connue, c’est Lemnos, peuplée uniquement de femmes. Voyons ce que peut-être le sens de cette terre :
Pour Lemnosnous trouvons les termes : lemma = gain profit ou acquisition et lema = force de résolution, volonté mais qui peut exprimer selon Eschyle, son contraire ; manque de volonté.
- Ce qui sera dans cette étape, la parfaite illustration des actes des Argonautes et de Jason en particulier.
Accueilli par la reine Hypsipylé, Jason sera bientôt enchaîné par ses caresses, et ce n’est que par la volonté d’Héraklès que le voyage reprendra. Héraklès sera le principe moteur de cette étape, car Héraklès désigne la puissance vitale issue du divin, toujours en action.
Un autre héros sera employé comme messager…
Le fils d’Hermès : Aithalidès dont l’oubli n’a pu envahir son âme dit le texte.
- C’est donc ce qui reste de conscience divine en l’être qui peut et doit se porter en avant dans toutes les épreuves, en particulier face aux contraintes de rester lié aux choses naturelles, aux forces d’habitudes.
Que signifie Hypsipylé, la racine hyp désigne = ce qui est en haut, et le terme hypsipilos = aux portes élevées.
L’action de cette étape est manifestement l’enchaînement aux désirs, aux habitudes quotidiennes. Mais l’union de Jason et de la reine Hypsipilé semble être également la prise de conscience de soi et de la nécessité de rester orienté vers les choses d’en haut, vers le divin. Hypsipilé donnera d’ailleurs des objets à Jason, qui lui seront d’une grande aide lors d’une prochaine épreuve.
3/ Nos héros après cette épreuve, qui leur a montré combien leurs résolutions étaient faible, doivent passer par un rite initiatique sur l’ordre d’Orphée, dont il ne nous est rien dit, comme il se doit.
La terre sur laquelle se passe ces Mystères, est nommée Electra Nous trouvons les termes de : Electris = l’île de l’ambre, et helektros = ambre jaune ou métal formé de quatre cinquième d’or et d’un cinquième d’argent, et helektor = brillant ou le feu.
- Que dire de plus…reportez vous à la signification de l’athanor des alchimistes, au feu sacré brûlant dans tous les temples de l’antiquité, à l’or, métal de tous les objets sacerdotaux.
Il est maintenant temps pour le candidat aux mystères, de se transporter vers son propre athanor, de découvrir sa place dans le temple…
4/ Reprenons le texte…
« L’île suivante est habitée par des êtres féroces, des fils de la terre, mais la plaine était peuplée par les Dolions. Il y eut combat des argonautes avec les fils de la terre et par méprise, lors d’une nuit noire, nos héros s’affrontèrent avec ceux qui les avaient accueillis : les Dolions ».
- Que signifie Dolions cela nous donne l’aspect = rusée, trompeur et = altérer, falsifier.
Dans cette épreuve, il n’y pas de ruse de la part du peuple Dolion, mais un malentendu qui entraîna un massacre entre les Argonautes et ce peuple, et lorsque cette lamentable erreur fut découverte, elle déclencha les remords des uns et des autres. Que signifie alors cette singulière épreuve ?
Sans nul doute, l’initié doit percevoir et combattre les aspects trop « terrestres » encore en lui. L’égo forcené et autoritaire est facilement décelable, car souvent dans un mouvement extrême particulièrement grossier et lié au bas instincts. Mais le chemin demande une écoute intérieure très attentive pour éviter les pièges. Tout, lors d’un chemin d’initiation doit être vu, vécu et laissé derrière soi, les comportements grossiers comme les comportements plus policés.
A la suite de cette épreuve, douze jours et douze nuits furent nécessaires pour purifier l’être intérieur et pour que la conscience de ces aspects devienne claire et limpide et soit assimilé.
Le texte dit :
« Un oiseau, l’Alcion, envoyé par les dieux, leur donnera le signal du départ selon le prophète Mopsos. Mais avant de partir les argonautes firent un sacrifice à la déesse Rhéa. »
Que signifie cet oiseau divin : l’Alcion ? Nous avons seulement trouvé ce terme : Alké : être fort ou force agissante…
Que signifie cette déesse et cette offrande ?
Rhéa: rea signifie facilement, sans peine, et : reo = couler doucement.
- A quelle autre divinité s’adresser pour poursuivre sa navigation ou son chemin plus sereinement ?
5/ La cinquième île est celle des Mysiens. Sur cette île, les argonautes perdent Héraklès et Hylas… pour quelle raison ?
- Nous avons vu ce que signifie Héraklès : une puissance issue des dieux en action constante. Héraklès est fils de Zeus, et ce pouvoir doit aussi être épuré, c’est ce que dit le texte : Héraklés doit poursuivre ses travaux laissés en suspens pour la quête de la Toison d’Or.
Cette puissance de foi, de connaissance du Divin, est venue aider les premières phases décisives de purification et de confrontation aux forces de l’ego. Mais, à présent, le futur initié doit puiser en lui les pouvoirs nécessaires au déroulement de la connaissance de soi. La foi encore inconsciente, encore embrumée, doit se changer par l’expérience en sûreté intérieure.
6/Les argonautes arrivent ensuite en Bébrycie.
« Les Argonautes accostent sur la terre d’Amykos. Le plus féroce et orgueilleux des mortels, roi des Bébryces, il obligeait tout homme à se mesurer à lui dans une lutte sans merci. C’est Pollux qui relève le défi, la lutte s’engage, jusqu’à la mort d’Amykos. Ensuite une bataille a lieu entre les deux camps. »
- Que signifie ces noms propre : Bébrycie, Amykos et Pollux ?
Bébrycie , nous donne le sens de : ce qui est ferme, qui est sur, certain, et : assurer son pouvoir.
Pollux ou de son nom grec Polydeukea nous donne la racine : poly qui signifie l’abondance ou plus simplement : beaucoup. Et la seconde partie du nom signifie la main droite et l’action de recevoir.
Amykos nous évoque = égratignure, déchirure.
- Ces éléments vont permettre de reconnaître la situation de l’aspirant initié face à l’orgueil.
Ce sentiment humain : l’orgueil, est un puissant barrage dans une voie de découverte de soi. Cet arrêt dans nos systèmes mentaux est le fait que lorsque notre conscience s’est posée sur une valeur juste et éternelle, elle fige cette compréhension, et veut à tout prix la retenir comme vérité immuable par la suite. L’ego s’en accapare, se gonfle de cette découverte importante, et s’y attache de manière forcenée et aveugle.
Or, la particularité de la découverte de notions spirituelles est l’ouverture à ce que l’on ne connaît pas et surtout au changement constant des valeurs conceptuelles acquises. Un renouvellement qui est la vie même, le sens du vivant dans le présent, seule réalité de l’homme, qu’il a occulté par des concepts.
Cela est souligné dans cette épreuve par le combat d’Amykos et de Pollux. C’est à dire entre l’orgueil de l’égo qui veut affermir son pouvoir sans partage et l’abondance de pensées venues directement du domaine vivant de l’expérience.
N’oublions pas que Pollux est fils de Zeus, et Zeus est le bouillonnement constant et incessant de la vie. Zeo en grec nous donne effectivement : bouillir.
7/ Passons à la prochaine étape, celle de la rencontre avec Phinée, le prophète aveugle, car puni par Zeus. Résumons cette histoire :
« Apollon avait accordé à Phinée le don de prévoir l’avenir, mais, Zeus s’était fâché contre lui, à cause de prédictions inopportunes et l’avait banni sur cette île. Le dieu suprême l’avait également privé de la vue et pour comble à son malheur, deux harpies fondaient sur lui à chaque fois qu’il s’apprêtait à manger quelque nourriture. Zétés et Kalais aussitôt débarqués le protégent des harpies dans un combat épique mené dans les cieux, pendant que Phinée se rassasie enfin. Le vieillard leur accorde en remerciement des prédictions, incomplètes cependant, car le grand Zeus le veut ainsi, mais qui seront d’une grande aide dans le voyage jusqu’en Colchide. »
Phinée nous donne un ensemble de terme qui évoque ce qui est visible, clair. Ce qui met en lumière son talent de visionnaire, mais aussi indique certainement la raison de son martyr, car phénas signifie fourbe, trompeur. Pour les Harpyies : les termes suivant éclairent bien le sens allégorique du volatile : arpagé = rapacité, avidité, et ce verbe à donné arpe = oiseau de proie.
Voici ensuite les héros : Zétés c’est celui qui parle et mène dans ce duo, or : zétéo signifie chercher, ou qui recherche, qui examine.
Pour le second héros de ce duo, nous trouvons peut de choses, sinon les termes de : kalais = turquoise.
- C’est donc surtout grâce à Zétés, le fils du dieu Borée, le vent du Nord, que nous voyons plus clair dans cette phase et que nous pouvons essayez de nous orienter.
Nous voici devant une phase importante permettant l’intériorisation, le retour sur soi, sur les expériences passées et la prise de conscience qu’elles ont permis. Le candidat aux mystères examine ses perceptions du chemin et envisage les épreuves initiatiques qu’il va devoir vivre. Il n’est jamais seul sur le chemin spirituel et nombre d’écrits lui permettent de rattacher ses connaissances acquises aux expériences d’autres initiés, qui peuvent avoir laissé des guides de ce voyage.
Ce moment de profonde écoute intérieure va bientôt permettre à notre candidat à l’initiation de passer une phase particulièrement dure et irrémédiable.
« Les argonautes arrivent devant les deux roches kyanées, Euphémos lâche la colombe, les roches se précipitent l’une contre l’autre, mais heureusement l’oiseau passe, en laissant juste un petit bout de sa queue. Typhis pousse les argonautes à ramer de toutes leurs forces, mais malgré son habileté, une vague puissante les jette en arrière. L’Argô va s’écraser, quand apparaît la déesse Athéna qui de la main gauche pousse le navire et leur permet de passer l’épreuve. »
- Que signifient ces deux roches vivantes et meurtrières que sont les « roches kyanées » ? Elles sont appelées les roches bleu sombres qui est le nom grec du lapis-lazzuli, qui depuis la nuit des temps est un talisman contre le mauvais sort.
Euphémos est un personnage actif dans cette épreuve. Et son nom signifie : parole de bonne augure.
- L’argô n’a pu franchir ces écueils que grâce à Athéna, celle qui pousse les éléments issus du divin à manifester leurs splendeurs.
Que représente donc cette épreuve ?
Le passage de la porte est un symbole récurrent dans les initiations spirituelles ou ésotériques. Il permet de mettre à l’épreuve les notions récemment acquises ou les capacités spirituelles intérieures nées pendant la première partie de ce voyage. Ce passage n’est franchi que par la parole de bonne augure et par l’aide des forces divines.
Il est fait référence ici à la parole, parce que dans cette étape, il est nécessaire de ne plus faire référence aux choses ou éléments jugés négatifs, ce qui conduit à ne plus critiquer, car cette position prouverait le lien encore existant de l’initié avec les idéaux de ce monde illusoire. Dans ce cas, l’initié passe ces portes lorsque les puissantes forces de désir de développement personnel sont apaisées ou au mieux, reconnues du candidat, ainsi, il sait ne pas entrer en confrontation avec ces forces. Puisque la relation des désirs et des liens qu’elles entraînent est conscientisée, ces forces n’ont plus de possibilité d’action sur l’initié et de ce fait elles s’immobilisent.
Ce passage des roches est explicite également, si l’on fait référence aux systèmes des cakras et dans ce cas, ce passage désigne le cakra de la gorge, qui selon certains voyants serait de couleur bleu et les roches kyanées désigneraient le larynx. Dans cette épopée et pour ce processus, il s’agit du premier attouchement, de la première poussée d’énergie libératrice vers le cakra de la gorge.
8/ Ensuite :
« Les Argonautes débarquant sur l’île déserte de Thynie, virent Apollon et firent serment de se porter secours mutuellement, quoi qu’il arrive. »
Thynie signifie une terre d’accueil avec la syllabe the qui a trait à ce qui est divin. Théa nous donne aussi bien le terme : divin, que l’action de contempler, de regarder. (1)
Et, Apollon : le purificateur ou l’action de se purifié.
- Et que peut-on contempler à la neuvième étape du processus de connaissance de soi, sinon la perception du divin purificateur à l’œuvre en soi-même. Cela nous donne également l’attitude première et absolument nécessaire qui est : l’écoute, l’attention : la vraie méditation.
9/ Une nouvelle île…
« Les Argonautes abordèrent sur la terre du roi Lykos, et le roi leur donne son fils, Daskylos pour compagnon et guide. Alors qu’ils marchaient vers le port, un énorme sanglier surgit, charge Idmon et le tue. Les argonautes firent des funérailles au héros, cependant le sort s’acharne sur eux, car ensuite, c’est Typhis qui tombe d’un mal inconnu. Les deux héros furent ensevelis sur la même terre.
Pélée les réconforta et proposa Ancaios, fils de Poséidon, pour conduire l’Argô. »
- Beaucoup de changements interviennent à cette neuvième étape : voyons ce que cela signifie ?
Accueil du roi Lykos Son nom peut signifier : lumière, avec la racine lyk : briller.
Pour ce nouvel Argonaute : Daskylos nous trouvons peu de sens… mais il n’aura pas de position déterminante dans le récit.
Surgit la mort d’Idmon et le terme idmosyné nous donne : connaissance, science.
Et la mort de Typhis…
- L’accueil amical du roi Lykos semble indiquer une phase sereine dans laquelle apparaissent des changements de comportement ou des prises de conscience. Les morts d’Idmon et de Typhis signifient deux notions qui doivent être abandonnées sur le chemin de la compréhension du monde divin. Les connaissances liées au monde des sens naturels, (Idmon) n’ont plus d’utilité dans les phases à venir et ne peuvent donc plus guider (Typhis) notre futur initié. Le candidat se trouve maintenant entre deux mondes ou entre chiens et loups, (d’ou le sentiment de se trouver parfois dans un brouillard, une sensation désagréable pour nos certitudes). Il va falloir redoubler d’attention, pour le futur initié, mais chaque pas incertain est une invitation plus vive encore, à la perception intérieure…
Heureusement, le candidat aux mystères va trouver des aides sur sa route, guidé par le nouveau pilote Agkaios qui évoque les termes : courber, recourber, embrasser…
Pour Pélée, nous trouvons : fait de boue ou d’argile
- Pélée est d’une aide réconfortante dans cette étape, sa signification semble venir de l’argile qui sert à façonner des poteries, mais aussi à soigner. Il s’agit d’une matière vivante propres à guérir les blessures.
10/ La dixième île…
« Douze jours plus tard, les argonautes repartent, et bientôt, ils arrivent en vue d’une terre sur laquelle repose le vaillant Sthénélos, ancien compagnon d’Héraklés. L’ombre de ce héros est sortie des enfers grâce à l’autorisation de Perséphone, pour apercevoir l’Argô et ses puissants marins. Les argonautes, saisis d’effroi, se rendent sur le tombeau du héros et lui font des libations. Orphée consacre sa lyre à cette terre et se sera le nom de cette île désormais. »
Que signifie Sthénélos ? Sthénos nous donne la puissance en parlant des dieux, ou force d’abondance…
- L’initié lui, peut ainsi rendre hommage à ceux qui l’ont précédé sur le chemin, et consacre un instant à apaiser quelques forces anciennes en lui…
11/ Les argonautes s’approchent de la terre de Colchide.
« Sur la côte d’Assyrie les Argonautes débarquent et, ils trouvent les fils de l’illustre Déimakos : Déiléon, Autolykos et Phlogios, qui ravis de cette rencontre leur demandent s’ils peuvent embarquer avec eux, ce qui réjouit les héros. »
- Quel sens accorder à ces nouveaux venus ?
Déimakos donne le verbe dema : bâtir, construire ou conduire.
Déiléon évoque rendre visible. Autolykos décomposé en auto, terme neutre ayant le sens de : soi-même et lykos qui peut signifié loup ou lumière. Phlogios qui veut dire petite flamme ou enflammer.
- Manifestement les argonautes embarquent des forces issues de l’art de conduire ou construire. L’initié sur le chemin trouve donc des aides éclairées, pour éclaircir sa voie et le conduire sûrement, de manière autonome, tant que l’attention et l’orientation seront présente.
12 / Voici la dernière île.
« Les argonautes sont en vue de l’île d’Arès, quand un oiseau fait tomber une plume qui transperce l’épaule gauche du divin Oileus. Klytios touche d’une flèche un autre volatile qui tombe dans l’eau. Amphidamas les réunit et les conseille : chacun devra revêtir son casque à aigrette et faire le plus de bruit possible, car sur la recommandation de Phinée, les argonautes doivent aborder cette île.
Les argonautes trouvent les fils de Phrixos : Argos, Phrontis, Mélas et kytissôros qui avaient fait naufrage. Jason se fait reconnaître comme leur parent, car il est le petit-fils de Krétheus, frère d’Athamas, leur grand-père. Ils marchent tous ensemble vers le temple d’Arès pour y offrir un sacrifice.
Jason demande à Argos et à ses frères de se joindre à eux, de leur servir de guide pour conquérir la toison d’or.
Les argonautes prennent peur en entendant la description du dragon qui garde la Toison, mais Pelée sait leur redonner courage. »
- Voyons les diverses significations des noms de ces personnages :
D’abord l’île qui porte le nom du dieu de la guerre :
Arès Socrate dit dans le « Cratyle » que le sens intime du dieu Arès vient de Arren : mâle et andréion : viril, mais le sens du son R, nous donne une explication plus conforme aux spécificités divine : un très puissant mouvement. (cela selon l’orientation…)
Oileusinterjection oi marque la douleur, la joie ou l’admiration.
Klytios nous trouvons le sens d’entendre, écouter.
Amphidamas le terme amphidomos veut dire bâtir tout autour…
Phrixos donne se hérisser ou frissonner.
Argos dont la signification est blanc brillant avec le sens de rapide comme la lumière, éblouissant comme l’éclair.
Le premier Argos est le constructeur de la nef, le deuxième Argos sera celui qui guidera Jason sur la terre de Colchide.
Phrontis signifie souci, préoccupation ou le sens de penser, méditer.
Mélas signifie noir.
Kytissôros évoque soit une vessie ou une carène ou creux du navire.
- Cette dernière étape avant la terre de Colchide nous montre une action de détermination, à la lumière des indications de Phinée.
Que peut révéler ce passage pour un futur éveillé ?
La terre d’Arès et les oiseaux qui la défendent représentent nos pulsions qui peuvent être extrêmement violentes ; l’initié à ce stade, montre qu’il peut s’en rendre maître, par l’écoute et par la capacité à reconnaître et à utiliser les énergies qu’il a bâti tout autour de lui, tout autour de son pôle de vie, d’attention.
Des aides se présentent sur le chemin, car la confrontation avec le « sur-moi » ou l’inconscient va survenir. Nous verrons plus loin en détail ce que signifie ce « sur-moi » ou ce qui peut être désigné par les forces primitives de l’inconscient. Chaque nouveau venu est donc un descendant du héros qui a apporté la toison d’or au roi Aiétès. Ces jeunes hommes représentent de nouvelles forces d’énergies – issues du plus profond de l’être – qui sommeillant en l’initié sont réveillées et qui se déclareront déterminantes pour affronter l’inconscient.
Une nouvelle conscience est installée maintenant chez l’initié, et cette intelligence issue des expériences et des forces acquises, a créé une nouvelle sphère d’énergie, plus en accord avec le mouvement divin de l’univers.
Les anciens sages grecs appelaient cette sphère : le microcosme humain. D’autres forces d’énergies vont s’activer dans cette sphère de conscience et nous verrons cela dans la prochaine étape sur la terre de Colchide.
La deuxième phase qui s’ouvre devant l’initié et dans l’épopée de Jason sur la terre de Colchide, symbolise la naissance des nouvelles possibilités de l’âme, orientée sur le service au divin. Ainsi l’intelligence de l’initié purifié par les épreuves et son désir du divin, éveille ou appelle l’âme, et ces deux formes de consciences vont se confronter aux forces de l’inconscient.
1/ Reprenons notre récit avec les éléments marquants vécu par les personnages sur cette terre de la toison d’or.
« Héra et Athéna décident de demander l’assistance d’Aphrodite afin qu’elle inspire l’amour pour Jason, dans le cœur de Médée.
Eros, envoyé par Aphrodite, arrive au palais d’Aiétès, au même moment que Jason et ces compagnons. Celui-ci a pris en main le « caducée d’Hermès ». Accompagné de Télamon, Augias et des enfants de Phrixos, il vient prier le roi Aiétès, de leur accorder la toison d’or. »
- Deux groupes de divinités viennent au secours de Jason : le premier groupe est constitué par les déesses : Héra et Athéna, attentives et toujours prêtes à apporter leur aide, et Aphrodite qui décide son fils Eros, à aider les Argonautes. Nous avons ainsi dans cette scène…
Héra : la puissance du flux perpétuel
Athéna : celle qui conçoit, qui porte à manifester les choses divines.
Aphrodite qui n’a pas de rôle de premier plan mais envoie son messager ; Eros qui est l’essence du mouvement originel.
- Et voici les compagnons de Jason :
Télamon est le nom d’un bouclier en cuir, outil habituel du guerrier. C’est donc un puissant protecteur pour Jason.
Augias le frère d’Aiétès, nous donne le verbe : briller, ou bien : lumière éclatante du soleil. Ce qui est normal pour le fils du soleil.
Argos : le blanc brillant de l’éclair.
Phrontis : dont le sens serait souci ou méditation.
Mélas est synonyme de « noir », mais a le même sens que notre « mais » et désigne une manière négative par le doute qu’il induit.
Kytissôros désigne une sphère, un réceptacle.
Et la terre où les Argonautes ont abordé est la :
Colchide qui peut signifié : flatterie, adulation.
- Nos aventuriers sont en chemin vers la plus formidable puissance terrestre : un fils du soleil ou un « Lucifer », un ange déchu du royaume de la lumière. Nos héros sont sur une terre d’idéation de l’Ego supérieur, du « Sur-Moi » dont la domination peut se reconnaître sur n’importe quel homme un tant soi peu ambitieux.
L’Ego supérieur, le Sur-Moi maître de la totalité des affects, sentiments et pensées, s’est construit un trône dans un palais d’illusions. Toutes les informations sont triées, ordonnées par le mental, et seules les indications conformes à la volonté du « Sur-Moi », uniquement tournée vers le monde extérieur, sont diffusées à notre conscience ordinaire. Le maître de la personnalité humaine n’est pas l’ego : conscience orientée chaque seconde sur sa propre survie, conscience égotique liée à son propre mouvement incessant entre le désir et la peur. En réalité, le maître véritable de notre existence est une conscience plus sophistiquée, en connexion avec les différents plans physiques et psychiques, et avec la parfaite connaissance des forces créant et apportant la vie à l’univers. Le texte désigne cet être par Aiétès, un des fils du soleil, puissance sans laquelle la vie sur terre ne peut exister. C’est un maître absolu qui a sa vision et ses buts pour l’humain et les capacités de celui-ci sont utilisées uniquement en fonction des projets qu’il a défini comme objectifs. C’est face à cette puissance que les forces originelles divines, vont se mobiliser, car la conscience nouvellement éveillée de l’initié ne peut affronter seule un tel pouvoir.
Qui voyons nous accompagner Jason dans cette aventure sur la terre du puissant dieu solaire ?
Télamon, le premier compagnon désigne une forme protectrice : l’être sait vers quelle puissance il se dirige, et toute son attention est éveillée. Augias est la contrepartie d’Aiétès, il est aussi fils du soleil, mais sa qualité de : lumière éclatante, est toujours reliée à la lumière divine originelle. Les fils de Phrixos expriment quatre éléments, base de construction d’une nouvelle structure énergétique, d’un nouveau corps subtil avec ses propres particularismes et potentialités :
Argos - une possibilité d’action instinctive liée à la lumière née en soi,
Phrontis - une concentration de forces de compréhension dans l’instant,
Mélas - la vivacité que donne l’interrogation, l’écoute, malgré sa contrepartie pour notre conscience naturelle : la peur de l’inconnu, le doute, et …
Kytissôros - le champ de force d’énergies ou la nouvelle sphère - espace de conscience matérialisée - créée par ses potentialités et la
détermination d’aller le chemin par Jason ou l’initié.
2/ Reprenons l’action…
« Aiétès était dans la salle du trône avec ses enfants
Chalkiopé et Médée, ainsi qu’Apsyrtos. Des que Médée aperçut Jason, elle poussa un cri, aussitôt Chalkiopé reconnut ses enfants. Pendant le tumulte qui suivit, Eros se glissa derrière Jason et décocha une flèche au cœur de Médée qui se troubla à l’instant, et Médée s’emplit d’amour pour Jason.
Aiétès fut pris de fureur en découvrant le but de Jason et décida de mettre le courage du héros à l’épreuve, en espérant qu’il fut tué.
L'exercice consistait à maîtriser deux taureaux monstrueux dont le mufle vomit des tourbillons de flammes, et de les atteler à une charrue pour labourer le champ d’Arès. Jason devait ensuite semer des dents de dragon, d’où naîtraient aussitôt des géants armés, qu’ils lui faudrait combattre et tuer.
Revenu au navire, Argos proposa de demander l’assistance de Médée, et tandis qu’Argos expliquait son plan aux Argonautes, une colombe poursuivie par un épervier, se réfugia dans la chemise de Jason. Le divin Mopsos fut frappé par ce présage ; l’oiseau de la déesse Aphrodite fit accepter la démarche d’Argos. Seul Idas s’opposa rageusement à cette idée ».
- Voici un double secours et un enchaînement d’actes dictés par l’amour :
le secours d’Eros, de Chalkiopé qui avait peur pour ses enfants, et surtout l’aide déterminante de Médée.
Voici les acteurs de cet épisode :
Aiétès qui exprime le « souffle bruyant » et nous donne un verbe qui signifie = cause de, auteur de…
Médée pour ce personnage déterminant nous trouvons le sens de : prendre soin de, protéger ou contenir dans la juste mesure, ce qui a donné le sens de guérisseuse… et non d’empoisonneuse, rôle créer par Euripide dans Médée, « création d’auteur » pour répondre à l’air du temps, mais nullement inspirée par l’Esprit.
Pour Chalkiopé nous trouvons un élément de richesse de cette époque : pourpre, le coquillage dont ont tire la pourpre.
Eros peut donner le sens de : s'échapper avec force ou mouvement impétueux, et à donner plus tard : Amour.
Pour Mopsos, la racine mo a pour caractéristique une forme négative.
- Dans une relation normale, voici un compagnon dont il faudrait se méfier, mais dans notre récit initiatique nous voilà devant un élément bien reconnaissable et présent en soi : le mensonge, la négativité, la fausseté, toutes choses qui apparaissent avec la notion d’ignorance née dans la dualité. C’est cette notion que désigne cet argonaute, qui doit être mise au jour, qui doit se révéler en soi, et disparaître par la confrontation avec les forces de reconnaissance de l’âme. La conscience de la dualité et de ses propres défauts est – sur la terre de Colchide – absolument nécessaire, sinon il n’y a pas de perception réelle de soi dans cette phase.
Le dernier personnage intervenant dans cet acte est : Idas qui exprime l’attachement à l’aspect extérieur, à l’apparence ou à la forme.
- C’est la confrontation de l’initié avec sa conscience prééminente, le Sur-Moi, cause de l’enchaînement à la Nature. La conscience de l’initié tremble lors de la compréhension du pouvoir immanent qui dirige tous ses actes et pensées. La possibilité intuitive de concevoir cette puissance en soi est éclairée par l’âme nouvellement éveillée par la puissance de l’amour divin. Médée, la prêtresse ou guérisseuse, désigne cet aspect inconnu de l’être : l’âme dont la perception est tellement subtile, que pour beaucoup, cette conscience n’a pas de réalité. Cette conscience était endormi ou plutôt tellement tournée vers la matière qu’elle était submergée par les sentiments. Mais voici que la force du mouvement divin la réveille, la sort de son sommeil, et elle sent l’orientation unique tendue vers le divin : Jason, l’élément déclencheur de sa véritable manifestation.
L’ensemble des forces dans la personne de l’initié aspire à cette nouvelle énergie, mise à part les habitudes anciennes toujours trop fidèles aux désirs de ce monde. Idas le colérique, s’est souvent manifesté lors de ce voyage, mais dans le récit, il refuse que les Argonautes et Jason en particulier, aille demander l’aide de Médée.
L’initié n’en a pas fini avec les habitudes orgueilleuses de la personnalité ancienne, son attachement à des idées et des concepts superficiels enfermant l’être vivant dans un ensemble de règles. Le pouvoir du monde extérieur, les principes du monde naturel sont toujours présents et la purification de la sphère de conscience de l’initié n’en est qu’à ses débuts.
3/ Reprenons :
« Médée prépara un philtre dont le nom était : Prométhée, et dont la vertu était telle que si quelqu’un en répandait sur ses membres après avoir offert un sacrifice à Hécate, il deviendrait invulnérable pendant un jour entier. Lors de la rencontre de Jason et Médée, celle-ci donna l’onguent et nos héros tombèrent amoureux. Après s’être purifié, au milieu de la nuit Jason exécuta le rite décrit par Médée. Hécate ayant entendu sa prière, sortit de ses profonds abîmes pour recevoir le sacrifice. Mais Jason, très sage, s’en était allé sans regarder derrière lui.
A l’aube, Télamon et Aithalides furent chargés de demander les dents du dragon d’Aonie, à Aiétès.»
- Examinons ces noms :
Pour Prométhée,nous trouvons la racine pro qui signifie : avant et métis qui est la sagesse, tout cela signifie : prévoyance.
Hécate donne le sens de : par la volonté de…
Et Télamon : protecteur…
Pour Aithalides :enflammer ou allumer.
- Jason doit s’enduire entièrement d’un onguent magique qui porte le nom de celui qui s’est « confronté » au dieu suprême de l’Olympe : Prométhée, et ensuite, il doit faire un sacrifice à la déesse infernale Hécate. User de cet onguent avec ce que nous savons maintenant sur sa signification protectrice selon l’étymologie, devient un acte évident pour accomplir cette tâche surhumaine. Examinons à présent la signification de l’offrande sacrificielle à la féroce déesse.
Cette puissance qui est appelée à l’aide face à la terrible épreuve suivante, est une force très ancienne ou très profonde en soi : la force de conscience de la chute originelle, de la perte de conscience du Réel. Celle-ci permet de placer définitivement la reconnaissance des deux réalités en l’homme : celle du monde naturel et celle du monde originel. La perception des deux mondes en soi est forcément déjà venue à la conscience, dans le cheminement spirituel, mais cette fois ci, elle doit être totalement incarnée, sûre pour réussir la prochaine étape, sinon il n’y aura pas de possibilité de faire face à celui qui est l’illusionniste suprême.
L’initié doit être entièrement attentif pendant l’action, c’est pourquoi Télamon et Aithalidés sont présents dans cette phase, car cela signifie : protection et force du feu intérieur.
4/ Voici maintenant la terrible épreuve…
« A l’aube, Aiétès se rendit sur son char, conduit par Phaéton au champ d’Arès. Jason s’était enduit du suc merveilleux ; aussitôt sa force en fut décuplée et ses armes devinrent irrésistibles. Il s’avança sur le champ pour le combat, trouva le joug et la charrue, mais aucun taureau. Tout à coup, ceux-ci sortirent d’un souterrain proche en vomissant des flammes. Invulnérable, Jason saisit les taureaux par les cornes et les attela au joug. Puis il attacha le timon et laboura le champ, jetant derrière lui les dents de dragon. Bientôt le champ de quatre arpents fut labouré, ensemencé, et les terribles géants, fils de la terre, s’extirpèrent du sol. Jason lâcha au milieu d’eux une énorme pierre ronde que quatre hommes n’auraient pu soulever. Les géants se jetèrent dessus ; Jason s’élança et frappa sans retenue tous les colosses. Le jour finissant voit le triomphe du héros, et le départ d’Aiétès écœuré. »
Que doit maîtriser l’initié? Deux taureaux monstrueux crachant des flammes épouvantables. Que représentent-ils ? Les taureaux sont le symbole de la terre, de ce qui est pleinement terrestre, et dans cette épreuve, ils sont deux : ceci désigne la nécessaire maîtrise de la dualité, illustrée ici.
Le futur éveillé démontre sa pleine conscience de toutes les problématiques liées à la nature des opposés. Le bien et le mal, le faux et le vrai, toutes les choses de cette nature sont inconstantes et elles basculent réciproquement d’un champ à l’autre. C’est sur ces terres d’illusions que porte le pouvoir d’Aiétès, le maître, le Super-Ego de ce monde dualiste. Il n’y a pas d’éveil de la conscience pour un initié si celui-ci est encore accaparé par les éléments duels de ce monde.
Le « Super-Ego », le « marionnettiste » voit que les fils sont coupés. Il va lui falloir peser de toutes ses forces dans la bataille, s’il veut garder la maîtrise de son domaine.
5/ C’est ainsi que…
« Dans la nuit, Aétès réunit son état major, pour décider de quelle façon combattre et tuer les argonautes.
Sur l’Argô, au tout début du jour, arrivée près du vaisseau Médée appelle les argonautes. Phrontis le plus jeune des fils, la fait monter à bord de l’Argô. Médée, apeurée, leur dit qu’une armée viendrait bientôt et qu’il leur fallait partir, puis, elle se tourna vers Jason, et lui dit qu’elle était disposée à lui donner la toison si Jason la prenait pour épouse. Devant tous ses compagnons, Jason jura qu’il la prendrait pour femme dès qu’ils seraient rentrés en Grèce. Médée suggéra alors de faire avancer l’Argô, par un fleuve proche, jusqu'à la forêt sacrée, afin d’enlever la toison d’or à l’insu du féroce Aiétès.
Bientôt, Jason et Médée se trouvent devant le chêne où était suspendue la toison, que les premiers rayons du soleil illuminaient.
Le dragon dont les yeux ne sont jamais fermés, les vit s’approcher et poussa un sifflement horrible. Médée s’avança hardiment, et, invoquant la déesse Hécate, endormit le monstre avec un rameau de genévrier. Jason détacha alors la toison de l’arbre et tous deux retournèrent vers le vaisseau. Pour les Argonautes, il est temps de rentrer dans leur pays. »
- Voici le moment tant attendu de cette quête glorieuse et universellement connue. Cet épisode se passe à la première lueur de l’aube…
C’est le plus jeune qui alerte les Argonautes à la venue de Médée.
Phrontis exprime la nouvelle conscience de l’initié, car il représente les forces de compréhension de l’instant présent. Les nouvelles possibilités de l’âme : Médée, accompagnent l’orientation unique : Jason, et partent chercher la Toison d’Or.
Que représente la fameuse Toison d’Or ?
Effectuons un retour dans le temps et voyons l’histoire originelle de cette Toison :
« Athamas, est roi de la cité d’Orchomène en Béotie. Athamas eut de Néphélé, sa première femme, un fils : Phrixos, et une fille : Héllé. La fille de Cadmos qu’il épousa ensuite, Ino conçut une haine implacable envers les enfants de Néphélé et résolut de les faire périr. Par un stratagème odieux, Phrixos et Héllé furent désignés pour être immolés aux dieux, et ainsi faire cesser une famine.
Mais au dernier moment, Néphélé les fit monter sur un bélier fabuleux qu’Hermes lui avait donné. Ce bélier à la toison d’or, les emporta dans les airs vers la Colchide, mais Héllé tomba dans la mer.
Seul Phrixos arriva en Colchide, accueilli par celui qui régnait sur le pays : Aiétès, le fils d’Hélios. Phrixos, dés son arrivée immola le bélier par ordre d’Hermès, en l’honneur de Zeus, qui avait protégé sa fuite. Phrixos donna la toison d’or à Aiétès, qui la suspendit à un chêne avec pour gardien : un puissant dragon. »
- Continuons notre étude des noms pour ce « prequel » :
Pour Orchomène, terre d’origine de ces évènements, nous trouvons le sens de : testicule, ou ce qui enferme ou contraint.
Athamas : immortalité.
Néphélé signifie nuage ou nuée.
Ino, signifiant : pour que – afin que.
Phrixos signifie : frissonnement de la mer ou hérissement.
Héllé nous donne les termes de : manque, insuffisance ou laisser derrière soi, négliger.
Et le Belier krios nous donne un verbe : action ou faculté de distinguer, action de choisir ou action de séparer.
Pour la signification de la Toison d’Or…
La toison : koas nous dirige vers : tête ou grande coupe à l'usage des guerriers.
L’or : krysos … ce métal semble être, pour les anciens grecs, étroitement lié à la splendeur du soleil.
Le Dragon : ophis est tout simplement un énorme serpent.
- Il s’agit donc dans le texte d’Apollonios de Rhodes d’un serpent en lieu et place d’un véritable dragon. Quel sens les anciens Grecs donnaient-ils à cet animal ?
Dans les mythes grecs, ces animaux représentent surtout un symbole d’énergie se réactivant, avec le phénomène de la mue, ce qui a donné l’idée que le serpent peut se régénérer indéfiniment. L’image d’immortalité ou de cycle s’attache à ce reptile lorsqu’il est roulé en boule, le ventre au soleil comme on peut le trouver dans les chemins, à la belle saison.
C’est un gardien, dangereux pour qui n’est pas divin, qui est placé auprès de la Toison d’or, car il incarne l’énergie active qui maintient notre univers.
Jason et Médée vont rechercher ce qui vient du pays d’origine, du pays d’où viennent toutes les forces d’énergies : Orchomène, le réceptacle des forces d’actions ancestrales.
La particularité de cette toison de bélier est de partager une fois pour toutes, ce qui est du domaine du divin, de l’originel, et ce qui est du monde des illusions, du monde matériel.
Cela représente pour l’initié l’immense possibilité de s’ouvrir à l’éveil véritable, de renforcer l’éveil né en lui, car cette force, nébuleuse et immatérielle : la Toison d’Or, lui donne la puissance de l’énergie du monde originel. Aiétès, ce fils du soleil tombé des cieux par sa soif de puissance, s’est emparé de ce symbole : la Toison d’Or, qui existe dans toutes les traditions, et représente : les forces de lumière divine gardées, mais oubliées dans le cœur humain. L’initié revient à la vie véritable, il ré-initie en lui-même de nouvelles forces de vies pour le retour au monde originel.
D/ la troisième phase : le retour
1/ Reprenons le récit avec cette troisième phase celle de la fuite devant les armées du roi Aiétès, ou du retour des Argonautes vers leurs patrie :
« Pour rattraper les argonautes, Aiétès envoya sa flotte commandée par son fils Apsyrte. Héra fit souffler un vent favorable sur l’Argô qui arriva trois jours plus tard à l’embouchure du fleuve Halyos en terre de Paphlagonie. Argos décrivait une route plus sûre prise depuis longtemps par les Egyptiens, quand, tout à coup, une flamme céleste envoyée par Héra apparut dans la direction indiquée. »
- Que cache cette fuite si représentative du conte-type 313, qui a enfanté des centaines de versions légendaires différentes ?
Reprenons la signification des noms propres et étudions la suite…
Les argonautes se réfugient à l’embouchure du fleuve Halyos...
Pour Halyos nous trouvons le sens de:être hors de soi par inquiétude.
- Héra est la reine des Dieux, la sœur et épouse de Zeus, et la protectrice des Argonautes qui ne ménage pas ses forces pour cela. Pouvons nous évoquer à ce moment et dans cette fuite, les forces originelles venant en aide à l’initié. Reprenons le sens premier de la déesse Héra, il s’agit de l’énergie accompagnant Zeus, de cette force de vie qui emplit l’univers. Cette énergie est réactivée pour l’initié puisqu’il a affronté le « maître des lieux », l’inconscient qui dirige l’être humain. Le choc de la confrontation en l’initié est très fort, aussi l’énergie « vivante » de l’univers, aide et apaise le trouble et l’inquiétude provoqué par cette rencontre avec le « diable », le maître de la dualité et du conflit.
2/ Continuons…
« Cependant, ceux qui poursuivaient les argonautes, étaient maintenant devant eux ; Apsyrte avait déployé ses vaisseaux pour les prendre au piège. Apsyrte leur proposa un pacte : qu’ils rendent la toison d’or et Médée. Médée eut peur et se méfia de ce traité ; en colère, elle rappela à Jason sa promesse de l’épouser en Grèce. Ce pacte était une ruse, mais l’armée des Colques était trop puissante pour qu’on l’affronte de face ; aussi les héros conçurent un plan pour s’emparer d’Apsyrte. Le désespoir s’empara de Médée, car il lui fallait maintenant livrer son frère aux argonautes.
Jason fit porter à Apsyrte des présents fastueux dont la robe pourpre que lui avait donné Hypsipyle, et convint avec lui d’un rendez-vous au temple d’Artémis. Jason s’était mis en embuscade et bientôt Apsyrte arriva seul. Jason attendit furtivement qu’Apsyrte, en pleine discussion avec Médée, ne soit plus sur ses gardes ; d’un bond, il le frappa de son épée et le tua. Un combat général s’engagea entre les troupes et les Argonautes prirent la fuite de nouveau. »
Apsyrte ce personnage comporte la racine aps, qui signifie en arrière, et selon un terme : perte du souffle.
- L’initié a réuni en lui-même la force de l’intelligence née des épreuves du chemin et l’âme, ce qui a rendu possible la renaissance de l’élément divin qui était endormi. Il est évident que le « sur-moi », l’inconscient tente de reprendre le pouvoir et l’initié doit se réfugier dans le pays originel, car tant que sa conscience est encore un temps soit peu tournée vers le monde matériel, celui-ci peut encore rechuter. La phase qui vient d’être jouée est déterminante, mais tant que l’esprit divin n’est pas totalement établi dans le futur éveillé, celui-ci doit se garder de toutes célébrations, et il lui faut fuir les nombreux idéaux ou les nombreux pièges que les forces de l’inconscient peuvent faire naître encore en lui.
L’aspect Apsyrte - perte ou retour en arrière - décrit très bien ce danger. La conscience de l’initié est encore vacillante et l’appel du « sur-moi » à revenir à la conscience naturelle se pose de toute sa force sur lui et veut absolument lui barrer le passage ; seule les directives de l’âme peuvent enrayer ce processus de domination. Certaines lignes de force mentales intimes dirigeant notre existence depuis très longtemps sont aussi des forces de consciences et d’énergies et peuvent représenter une inertie fondamentale. Il n’est qu’à voir nos habitudes quotidiennes qui se transforment au fil des années, en prisons dorées, et la force qu’il nous faut déployer pour agir d’une autre façon. Ce qui est représenté par Apsyrte est l’amertume de tous nos échecs, de notre conformisme, de tout ce qui nous pousse à nous asseoir quand la vie vient frapper à notre porte. Cet aspect n’a pas de nom car il est plus que le simple doute, plus que la peur de vivre, il est la négation…l’ombre qui s’attache à toutes nos actions…
3/ Le texte ensuite précise :
« Sur le conseil de Pélée, les compagnons de l’Argô décidèrent de prendre une autre route ; ainsi ils arrivèrent à l’île d’Electris. Héra envoie des éclairs sur les poursuivants, dispersant les troupes du roi Aiétès ».
- Héra est toujours active, l’énergie vivante de l’origine aide et revivifie l’être. Les Argonautes se réfugient sur une île dont le nom rappelle le lieu où ils ont été initiés aux mystères : Electra…
Electris est l’île de l’ambre ou le feu brillant.
- Cette courte étape peut-elle signifier une nouvelle initiation d’après les mystères des temps anciens ?
Il semble qu’un rite d’apaisement soit nécessaire pour franchir ce nouveau stade de compréhension.
Pélée : le second personnage, qui intervient et que nous avons déjà étudié, accompagne ici, cette aide active « extérieure » pour la guérison ou l’apaisement du processus.
L’aspect Pélée est pleinement actif dans ce retour, car l’expérience basée sur le mental et la logique, n’apporte plus dans le processus, de possibilités de compréhension pour les actions à entreprendre. L’intelligence et l’écoute dans le moment présent sont devenues les seules éléments de décisions et d’actions.
4/ Nous abordons à nouveau plusieurs étapes très courtes: l’île du roi Hyllos, qui précède les îles Stoichades, puis l’île d’Aigialia.
Pour Hyllos : cela nous donne: bois, taillis, forêt etc…
Stoichades ce qui nous donne le sens de : en ordre, aligné, et nous indique un terme qui est entré dans la langue française : stoïque.
Aithalia ce qui peut nous donner : la grève, le rivage.
- La confusion est grande après ce passage particulièrement intense. L’être est perdu dans les méandres de ses sensations. Il faudra du temps et de l’apaisement pour ramener un peu d’ordre dans cette confusion.
6/ Continuons…
« Mais Zeus était fort irrité par le meurtre d’Apsyrte et il décida que les argonautes souffriraient mille maux sur la route du retour, afin qu’ils demandent pardon et se purifient auprès de Circé : la sœur du roi Aiétès.
Tout à coup, la poutre merveilleuse d’Athéna, maîtresse du vaisseau, se met à parler avec une voix humaine, leur annonçant qu’ils devaient se purifier auprès de Circé, et qu’a cette fin, Pollux et Kastor devaient prier les Immortels pour que la mer leur soit favorable.
Ils arrivèrent en vue de la contrée des Tyrrhéniens, au port fameux d’Aiaie. Jason et Médée seuls et repentants, allèrent supplier Circé en son palais. La fille d’Hélios, les prenant pour des inconnus, les purifia par les rites propices aux meurtriers, ce qu’elle avait reconnu en eux. Puis, ayant vu dans les yeux de Médée la lueur du soleil, leur ancêtre commun, elle les laissa s’expliquer. Leur attitude de suppliants les sauva de la colère de Circé, mais celle-ci les renvoya expier leurs actes sur leur chemin de retour. »
- Que signifie ces noms :
Circé le terme le plus proche nous donne :cirque ou enserrer dans un anneau.
Aiaie nous emmène à :hà ou hélas.
Zeus dit Socrate, dans le texte du « Cratyle » est fait de deux parties : zèna et dia, car il est double, il est vie et intelligence, il est bouillonnement de vie et conscience perpétuellement active.
- Le dieu créateur de ce monde : Zeus ou Dios est celui qui agence, stimule, modèle toutes les lignes d’énergies respirant et vivant dans cette nature multiple. Il est le régent de ce monde, du macrocosme, il est le dieu de cette terre, mais il n’est pas celui qui a créé l’univers, dans la mythologie grecque. Zeus est celui qui transmet et maintient l’énergie divine en mouvement sur cette terre et qui porte à manifester les étincelles de vie et de conscience, pour tous les êtres vivants. Il est le garant des plans divins universels dans cet univers, et Athéna est son outil pour mener à bien ses directives, pour pousser à la recherche du divin. Dans notre processus intérieur, il active à nouveau l’énergie des profondeurs de l’être, cette énergie qui doit se manifester à nouveau pleinement et en toute puissance.
Que représente l’aspect Circé ?
Circé représente le cercle ou plutôt la sphère d’énergie microcosmique, la sphère de conscience qui doit se déployer maintenant dans toute sa puissance. L’initié doit retrouver en lui la conscience profonde de l’unité originelle. Comme la lueur d’une bougie crée un halo de lumière, la réalisation intuitive de l’unité, crée ou plutôt ré-énergétise sa sphère de conscience.
7/ Poursuivons…
« Bientôt Jason, Médée et ses compagnons arrivent en vue de l’île aux fleurs, Anthémoessa ou demeuraient les Sirènes, « moitiés filles – moitiés oiseaux », nées d’Achélôos et de Terpsychore. Par bonheur, la cithare d’Orphée triomphe des voix des sirènes ; seul Boutès ne peut résister, saute dans la mer et se noie. »
- Examinons ces noms :
Anthémoessa pour lequel nous trouvons : pousser, croître.
Sirènes évoque une corde ou une chaîne.
Boutès désigne le bœuf.
- Les liens avec les forces subtiles de la nature, les dynamismes à l’origine des désirs créateurs constituant les mouvements de la vie naturelle sont encore très présents en l’être, orientant celui-ci vers le monde extérieur. L’être entravé du microcosme, doit maintenant être libéré du licol de l’attachement à la nature. Ceci ne peut être fait que par la grâce des dieux, par la vibration issue du monde divin : Orphée, le chantre des dieux.
8/ Le voyage continue…
« Sur les ordres d’Héra, Iris la messagère, convoqua Thétis, la fille du sage Nérée, le dieu de la mer. Iris demanda à Héphaïstos de suspendre ses activités jusqu'à ce que le navire Argô ait passé les Planctes. Thétis avertit son mari Pélée, que les Néréides aideraient les argonautes à passer sains et saufs la passe de Skylla et de Charybde. Pour dernière tâche, la déesse messagère, Iris, commanda au dieu Aiolos de souffler un doux zéphyr qui emmènerait les argonautes sur l’île des Phéaciens.
Skilla, l’immense falaise et le gouffre mugissant de Charybde furent bientôt en vue, avec, au loin, les Planctes, écueils de feu et de lave terrifiants. Menées par Thétis, les Néréides poussèrent l’argô au-dessus des flots et lui firent franchir ces puissants obstacles, sous les yeux des dieux et déesses ».
- voyons ce que tout cela signifie :
Iris est l’arc en ciel, la messagère. Elle est l’élan et le mouvement.
Thétis nous amène à : qui pose, qui donne, qui crée.
Néréides désigne les filles du vieux de la mer : Nérée. Hésiode le qualifie de : « sans mensonge ni oubli ». Né est également une particule affirmative, et désigne ce qui est sûr.
Skylla signifie écorcher, déchirer, dépouiller.
Charybde peut signifier grâce ou donne un signe de reconnaissance.
Planctes : qui fait errer, qui égare.
- Les forces de conception de l’être nouveau sont dirigées par les forces divines, elles seules peuvent maintenant libérer et pousser la nouvelle conscience à la plénitude du présent vivant. Ce sont les forces très anciennes de l’Etre Vivant qui peuvent actionner ce processus, celles qui n’ont jamais oublié l’Existence immergée dans l’Unique.
Les trois écueils de l’histoire font référence à trois notions ou trois forces d’énergies qui doivent être réorientées : le don total de soi, la reconnaissance intérieure concrète du divin et la foi sereine du chemin de retour. Le disciple est maintenant confronté aux exigences intérieures les plus élevées : tout son être doit s’y abandonner.
9/ Le récit continue, mais le chemin n’est plus tout à fait linéaire…
« Nos héros arrivèrent sur Drépané, l’île d’Alkinoos. Ils y furent très bien accueillis par le roi, mais l’armée d’Aiétès les entoura et leur réclama Médée ; le roi Alkinoos s’interposa. Médée supplia Areté, la femme d’Alkinoos de ne pas la renvoyer chez son père. Alkinoos calma les troupes, afin qu’il puisse méditer sur le jugement qu’il rendrait au matin. Dans la nuit, Areté supplia son mari de ne pas renvoyer Médée, mais celui-ci lui objecta qu’il serait obligé de la rendre à son père si Médée était toujours vierge ; dans le cas contraire, elle appartenait à son mari ! Areté fit porter secrètement ce message à Jason.
Après avoir porté des offrandes aux dieux, les jeunes gens s’étendirent sur la toison d’or dans un lieu sacré et s’unirent au son clair de la cithare d’Orphée. Au matin, Alkinoos, tenant dans ses mains son sceptre d’or, confirme l’union de nos héros, et rendit son jugement en leur faveur.»
- Drépanée désigne une faux ou signifie « en forme de faux ».
Alkinoos signifie d’après ses deux syllabes alké et noos, force agissante, et intelligence, esprit.
Arété nous donne : mérite ou qualité par quoi l’on excelle, et celui qui adresse les prières aux dieux.
- La force de l’Esprit dans toute sa plénitude, peut se manifester et venir en aide à l’intelligence et à la douceur de l’âme. Seule cette puissance peut se rendre totalement maître du « Sur-Moi » ou inconscient représenté par Aiétès. Cette puissance tranche comme une faux et libère totalement des liens du désir de développement dans ce monde matériel. Cette manifestation de l’Esprit dans la sphère de conscience de l’initié permet une fusion de l’intelligence naturelle et de l’amour guérisseur de l’âme.
Les péripéties suivantes des argonautes (et de la nouvelle conscience de l’initié) représentent la phase de transformation, de transfiguration qui ne peut être comprise par une conscience issue du temps et de l’espace.
La première phase du processus de conscience représente véritablement la connaissance de soi, de ses affects, de ses possibilités, de ses émotions et pulsions, des caractéristiques de l’ensemble de la personnalité. La deuxième phase place l’individu sur le chemin face à un potentiel d’intuitions, de perceptions qui ne s’étaient encore jamais vraiment développées en lui. La troisième phase ouvre l'être à la puissance de « l’origine », ce qui ne se passe pas sans bouleversement.
Mais nous allons dans ces pages nous arrêter là. La suite du récit qui est lié à la lente transformation de la conscience après l’Eveil, se trouve si vous le désirez dans mon ouvrage : « Trois légendes initiatiques ».
Voici donc ce qui se cache dans ce texte merveilleux, prototype archaïque du conte-type 313 : un processus de transformation de l’être, une élévation de la conscience qui de centrée sur elle-même s’ouvre sur une autre dimension, se transforme et intègre l’univers divin.
L'Aède